C'est Olivier Steiner qui m'a amené là, nous ne nous connaissions pas, il m'a invité pour parler de mon livre, Deux garçons, de ma rencontre avec Hervé Guibert, de l'amour qui nous a liés adolescents. J'appréhende le face à face avec les garçons du Refuge à Paris. Je suis impressionné, j'imagine des héros, des rescapés batailleurs. En réalité, je ne sais pas où je suis tombé. Je débarque flottant, irrésolu. Ils sont une quinzaine, garçons, ladyboys, une seule fille, ils virevoltent devant la grande table circulaire. Ils sont comme un nuage de lucioles en plein jour, déphasés, flâneurs, sur la pointe des nerfs. «Asseyez-vous bon sang ! On commence !» tempête un éducateur. L'essaim se resserre, nous enveloppe Olivier et moi, trente bouches nous claquent une bise sur la joue, puis tout le monde s'installe, c'est le début de la permanence, l'atelier lecture et écriture, la rencontre avec «l'écrivain».
Le Refuge accueille de jeunes homosexuels qui n’ont plus où aller, chassés par leur famille, ou qui se sont enfuis pour échapper aux violences et aux brimades. De leurs problèmes, il ne sera pas question au long des trois heures que nous passerons ensemble. Je me demande si on les oblige, si c’est inscrit tacitement dans le contrat, écouter un écrivain, poser des questions, montrer de l’intérêt pour un livre, faire semblant ?
Marre. Très vite, je m'aperçois qu'il ne s'agit pas vraiment de cela - le texte n'est qu'un pré