C’était il y a longtemps, dans le New Hampshire. Le prof d’un atelier d’écriture que je suivais au lycée nous a donné un devoir fascinant : visiter un lieu public et rédiger un texte sur l’impact de l’architecture de ce lieu sur la psyché de ceux qui le fréquentent. Les autres élèves ont choisi, qui l’église, qui la mairie, qui un musée ; déjà provoc à seize ans, j’ai choisi la prison.
Je n’oublierai jamais. Même quand c’est pour de faux on n’oublie jamais. Même quand on a choisi son propre enfermement, et qu’on le sait éphémère, ça se grave dans votre mémoire comme les graffitis de baise et de haine griffonnés par les détenus avec leurs ongles dans la peinture marron foncé des murs. Tintamarre de la porte métallique qui se ferme, cliquetis agressif des clefs, pas qui s’éloignent dans le couloir... On m’a laissée là... deux heures, peut-être ? Rien du tout. Et je n’oublierai pas. J’ai demandé ensuite l’isolement, le mitard ; obtempérant là encore, on m’a enfermée dans une cellule capitonnée, dans le noir, un quart d’heure peut-être. Rien. Mais c’est inoubliable, cela aussi.
Depuis une vingtaine d’années je me rends ponctuellement dans des prisons et des maisons d’arrêt, ça et là en France. Je ne suis pas une visiteuse, une dame charitable, je n’y vais pas pour remonter le moral des détenu(e)s ; j’y vais parce qu’on m’y invite, pour parler des livres, les miens ou ceux des autres, et de la vie. Les échanges que j’ai eus à Fleury-Mérogis m’ont plus appris et apporté, plus fait r