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TRIBUNE

De quoi l’engouement culinaire actuel est-il le signe ?

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par Olivier Assouly, Philosophe, responsable de la recherche à l’Institut français de la mode (IFM)
publié le 21 avril 2014 à 18h06

A l’heure actuelle, notre tube digestif est en état d’intense activité, les loisirs culinaires battent leur plein. Face à un engouement quasi planétaire pour la cuisine, nous sommes relativement démunis pour en comprendre la signification et en mesurer la portée de fond. Il y a bien quelques explications courantes : on évoque une réaction salvatrice aux travers industriels, une réappropriation des gestes alimentaires oubliés ou le sacro-saint partage de la table. Or ces raisons semblent un peu courtes et simplistes. De fait, il y a une grande hétérogénéité entre tous ces phénomènes, rassemblés sous la catégorie «cuisine», à la fois proches et éloignés les uns des autres : émissions de TV réalité, inflation médiatique, festivals culinaires, foires aux livres dits gourmands, cours de cuisine, cuisine de rue et nomade, patrimonialisation des cuisines nationales, etc. Voici notre hypothèse : le dénominateur commun serait un rapport indéfectible à la jouissance combinée à une forme classique et pourtant renouvelée de consumérisme.

De ce point de vue, au lieu de s'étonner de la montée en puissance de la cuisine, on peut au contraire être surpris de ce que, au regard des aspirations du capitalisme, son ascension n'a pas eu lieu plus tôt. Partout où le rapport aux objets, voire aux autres, repose sur la valorisation marchande de la consommation et la destruction des produits, l'ingestion des aliments a forcément une fonction vitale et une valeur emblématique. Quoi mieux que