Quinze jours avant de quitter le pavillon familial de Noisy-le-Grand (Seine-Saint-Denis), Mathilde (1) avait rasé «à la Rihanna» un côté de sa longue chevelure. Sa mère a conservé le selfie de l'audace capillaire. C'est la dernière photo d'elle qui figure dans le smartphone maternel. Elle date de la fin mai 2013. Valérie, 50 ans, fonctionnaire dans une structure d'enfance dans le Val-de-Marne, déroule d'un doigt la pellicule «de l'avant», avant le départ de sa fille. Clichés d'une grande liane brune posant selon l'interminable palette des moues d'ados. Là avec une casquette. Ici en débardeur échancré. Sa mère montre ensuite une autre photo de Mathilde, reçue il y a quelques semaines par mail. Une ombre en burqa semblant marcher entre des immeubles à moitié finis ou en ruine. Sous la photo, Mathilde a écrit «Tu as vu Maman, c'est moi !!!!»
Mathilde a 17 ans. Après avoir passé six mois en banlieue Nord de Paris coupée de sa famille, elle est en Syrie depuis le 11 novembre. Dans une «villa», d'après le peu d'infos qu'elle a distillées par mail ou Skype à ses parents. Avec d'autres femmes, ses «sœurs musulmanes». Et son «mari», un jeune Français, musulman radical, pour qui elle a quitté le domicile familial il y a un an et avec qui elle a rejoint la Syrie. Les parents ne savent pas dans quelle région leur fille se trouve. Ni ce qu'elle fait là-bas. «Je fais», se contente-elle de répondre.
Kalachniko