Menu
Libération
TRIBUNE

Le souci porté à la condition animale

Article réservé aux abonnés
par Florence Burgat, Philosophe, directrice de recherche à l’Inra
publié le 15 mai 2014 à 18h06

On pouvait penser que le temps de l’ironie et du persiflage était révolu. Il l’est presque. Le portrait souvent haineux des «amis des bêtes» dont certains font leurs délices dut, au début des années 90, céder la place à un tout autre portrait : celui de la condition des «animaux de boucherie». A cette époque, la maladie de la «vache folle» frappa. On extermina les bovins jusqu’au dernier. L’existence de la prime Hérode, une somme versée à tout éleveur livrant ses veaux de moins de vingt jours à un abattage qui les excluait du circuit de l’alimentation humaine afin d’enrayer la «surproduction», fut connue. Il n’y a là, en fait, rien d’extraordinaire au regard de ce qui arrive à ces animaux, mais nul n’en avait une perception claire. Des explications durent être données ; la maladie de la vache folle fut l’occasion de révéler quelques vérités zootechniques.

Durant plusieurs mois, ces cadavres fumants firent du tort à l'innocence festive du rôti de bœuf et au plaisir roboratif du steak haché, et le carnivore perdit un peu de sa candeur. La conscience que, dans des lieux soustraits au regard - le pire se passe quotidiennement, on mutile, on engraisse, on égorge en masse des animaux - se forma, même obscurément, même sous la forme pauvre du déni. Aussi ne fut-il plus possible (ni même plus payant) aux prescripteurs d'opinion de se gausser et de rendre suspecte la cause des animaux dans l'unique but d'éviter qu'elle soit pensée