Menu
Libération
TRIBUNE

Eloge de la lenteur

Article réservé aux abonnés
publié le 1er juin 2014 à 18h06

Nous sommes entrés dans une société de l'éphémère, de l'instant, de la volatilité, de la vitesse. Le zapping et le surfing deviennent des morales essentielles du rapport au monde, une manière de se jouer de la surface pour éviter de choisir et multiplier les expériences sans s'engager. Un individu contemporain, qui ne se soutient que de lui-même, est confronté en permanence à une multitude de décisions. Il est soumis à l'écrasement du temps sur l'immédiat puisque le monde n'est plus donné dans la durée mais dans la saisie de l'instant. La hantise est celle de la désynchronisation, celle de ne plus être en phase avec l'actualité de sa propre vie prise dans le filet des bouleversements sociaux et professionnels, une urgence qui n'en finit jamais empêche de jouir de son existence, et amène à un temps séquencé allant d'une tâche à une autre, ou plutôt de la résolution d'une tension à une autre. Injonction de vitesse, de rendement, d'efficacité, de disponibilité qui exige de s'arracher à soi-même, d'aller plus vite que son ombre pour réagir. Mais les capacités de résistance ne sont pas extensibles à l'infini, elles épuisent l'individu et aboutissent à la fatigue d'exister. Les technologies contemporaines, loin de faire gagner du temps comme on le croit souvent, ne cessent de multiplier les engagements personnels, et des mobilisations qui n'en finissent plus. Le téléphone cellulaire est l'instrument clé de la mobilité, de la réactivité, de l'adaptabilité et de la