La sociologue Agnès van Zanten, directrice de recherche au CNRS, explique en quoi le système des filières, et donc du bac, est inégalitaire en France.
Peut-on dire que l’école s’est démocratisée, mais pas le bac ?
Incontestablement, il y a eu une démocratisation quantitative du bac. Dans les années 80-90, on a assisté à une augmentation très rapide du taux d’accès, même si l’on constate un net tassement depuis quelques années. Parallèlement, le taux de réussite n’a cessé de progresser.
En revanche, si l'on parle de la vraie démocratisation - que les sociologues appellent qualitative -, le bilan est beaucoup plus nuancé. Avec la persistance des filières, on a ce que le chercheur Pierre Merle appelle une «démocratisation ségrégative». Tandis que de plus en plus accédaient au bac, les filières générales [S, ES et L, ndlr] se sont relativement peu ouvertes. La S, en particulier, est restée socialement très ségrégative, regroupant une bonne partie d'enfants des classes supérieure et moyenne. En réalité, l'essentiel de la démocratisation s'est faite par les filières technologiques et professionnelles.
Mais tous ces bacs ouvrent au supérieur : il y a là égalité ?
Non, il s'agit bien d'une démocratisation ségrégative. Selon les types de bac, les bacheliers ne s'orientent pas de la même façon. Les très bons bacheliers généraux choisissent les prépas, les filières sélectives de l'université ou les établissements sélectifs. Les moyens vont massivement à l'université. Même quand ils sont bons, les bacheliers techno, eux, s'orientent d'abord vers les STS [sections de technicien supérieur],