Lorsque deux misères se regardent en chiens de faïence, les éclats, parfois, peuvent être dévastateurs. Le lynchage de Gheorghe - alias Darius -, Rom déficient mental de 17 ans, survenu le 13 juin à Pierrefitte-sur-Seine (Seine-Saint-Denis) dégage en effet de forts relents de vengeance sociale. Dans des territoires où le sauve-qui-peut est une contrainte à plein temps, le risque était grand de voir un jour les uns prendre les armes pour défendre leurs maigres acquis.
Deux jours passés à arpenter la cité des Poètes, quartier d’une extrême pauvreté replié sur lui-même et place forte du trafic de drogue, laissent le sentiment âcre que, face à la démission de l’Etat, il faut désormais se faire justice soi-même. Pouvait-il en être autrement dans une ville où seulement 42% des habitants sont propriétaires de leur résidence principale (73% à l’échelon national), et où le taux de chômage dépasse allègrement les 20% ?
«Nourrices». Bien que la progression de l'enquête soit des plus difficiles, du fait de la peur éprouvée par les Roms et de la fiabilité toute relative des témoins auditionnés, le scénario ayant conduit au lynchage de Gheorghe commence à s'ébaucher. Les policiers croient de moins en moins que les agresseurs du jeune homme, échappé d'un établissement psychiatrique en Roumanie, ont frappé au hasard. Dans les heures qui ont précédé ce massacre, une description assez précise de Gheorghe circulait dans la cité des Poètes : un adolescent pet