Jean-François Corty est directeur des missions France de Médecins du monde, qui mène des actions de prévention des risques et d’éducation à la santé auprès des prostitués. Il a été auditionné au printemps par la commission spéciale du Sénat, au sujet de la pénalisation des clients. Comme beaucoup d’associations, Médecins du monde s’était prononcé contre la pénalisation des clients.
La décision du Sénat est donc une bonne nouvelle ?
C’est une très bonne nouvelle. La commission spéciale envoie un signal très fort en se prononçant contre la pénalisation des clients, comme l’a fait récemment la Commission nationale consultative des droits de l’homme. Les sénateurs font preuve d’une bienveillance réaliste et pragmatique plutôt que de mettre en avant un dispositif qui se serait révélé contre-productif. Comme de nombreuses associations, nous les avons alertés sur le fait qu’alors même que la loi n’était pas encore effective, des stratégies de contournement étaient déjà visibles sur le terrain.
Quelles sont ces stratégies ?
Depuis novembre, les clients sont moins nombreux, ils ont peur. Les prostitués sont obligés de s’éloigner des centres-villes, d’avoir recours à des intermédiaires ou à Internet. Le risque de tomber sur des individus mal intentionnés augmente, car pour s’en sortir, elles ne peuvent parfois plus se permettre de choisir leur clientèle. Même si la loi n’est pas passée, la pénalisation est déjà bien intégrée.
Malgré ces conséquences concrètes, Najat Vallaud-Belkacem a réaffirmé sa volonté de pénaliser les clients. Comment l’expliquez-vous ?
Elle est probablement trop influencée par les acteurs qui souhaitent mettre la question des inégalités de genre au cœur du débat prostitutionne