Gilles Kepel travaille depuis des décennies sur l'islam et le monde arabe. Professeur à Sciences-Po, il a publié chez Gallimard Passion française, les voix des cités (2014), avec le soutien de l'Institut Montaigne, et Passion arabe, journal 2011-2013 (2013). Son but : «construire des tableaux de pensée» pour tirer des fils entre les régions concernées par les conflits au Proche-Orient.
Comment analysez-vous l’invasion terrestre de Gaza par Israël ?
C’est la conséquence logique de l’impasse dans laquelle se sont retrouvés les deux adversaires : aucun ne peut apparaître victorieux à ce jour, et ils n’ont d’autre choix que le quitte ou double. Benyamin Nétanyahou, soumis à de fortes pressions de la droite de sa coalition, des colons et des habitants du sud du pays - zone la plus touchée par les roquettes et où le Hamas parvient même à creuser des tunnels pour infiltrer des combattants -, n’a pas atteint son but de guerre déclaré : l’arsenal de Gaza n’a pas été éliminé, et la popularité du Hamas, au plus bas avant l’affrontement, est à son zénith, comme figure de résistant héroïque du peuple palestinien, voire fédérateur de toutes les causes arabo-musulmanes, du Moyen-Orient aux banlieues européennes. Le Hamas, de son côté, en refusant la trêve d’inspiration égyptienne, a donné le sentiment qu’il avait l’initiative, damant le pion à la plus forte armée de la région. Mais cette surenchère à court terme ne saurait masquer son affaiblissement structurel : dissocié du régime d’Al-Assad, qui l’abritait, et de l’Iran depu