En cette époque de surcharge informationnelle et de distraction généralisée, l'attention est devenue un bien rare, le «temps de cerveau disponible» que cherche à capturer le capitalisme consumériste. En dédiant non pas un mais deux livres à l'épuisement de nos ressources attentionnelles, Yves Citton est conscient de la contradiction. «Il aurait fallu écrire un tweet […] mais pas un livre», plaisante le professeur de littérature à l'université de Grenoble et codirecteur de la revue Multitudes qui plaide pour une «écologie de l'attention».
Le développement des technologies numériques a vu émerger une nouvelle économie basée sur l’attention. De quoi s’agit-il ?
La prétendue «nouvelle» économie, dont la rareté principale serait l'attention, ne remplace pas «l'ancienne», dont la rareté concerne les facteurs de production (matière première, énergie, etc.). Mais les biens matériels restent notre problème au long cours, et les siècles ultérieurs regarderont, peut-être, comme une inconscience écologique très symptomatique le fait que certains analystes du début du XXIe siècle aient pu croire que l'attention supplanterait la production des biens matériels comme valeur économique dominante…
En revanche, il est certain que la valeur de l'attention au sein des circuits économiques augmente. Mais il est aussi vrai qu'on a toujours manqué de temps. A la Renaissance ou au XVIIIe siècle déjà, avec l'apparition des imprimés, puis des périodiques, beaucoup d'auteurs témoignent du sentiment d'être submergé. Le développement d'Internet a clairement intensifié c