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Libé des géographes

L’habitat urbain est bien fragile

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Immobilier. Face à l’obsession du risque zéro, il faut accepter la vulnérabilité des espaces de vie.
Le Val-Fourré, à Mantes-la-Jolie, le 6 juin. 411 millions d'euros ont été investis. (Photo Jean-Michel Sicot)
par Michel Lussault, Géographe, professeur à l’Ecole normale supérieure de Lyon, cofondateur et éditorialiste de la revue Tous urbains (Presses universitaires de France)
publié le 2 octobre 2014 à 19h56

Il existe aujourd’hui une obsession du risque, qui conduit à une dramatisation des enjeux de politiques publiques et à une surenchère normative - source de déception, puisque jamais on ne parvient au risque zéro. Une distorsion s’affirme entre, d’un côté, l’idéologie et la technologie de la prévention du risque, promues par les acteurs institutionnels et économiques et, de l’autre, le vécu des habitants. De cette distorsion procède un «air du temps» qui met en exergue la certitude de l’échec de toute prévention et même l’assurance de la catastrophe - et les médias, comme les œuvres de fiction contemporaines, sont de bons symptômes et véhicules d’un tel imaginaire.

Comment sortir d’une telle dérive ? En acceptant de considérer que les espaces de vie, parce qu’ils sont des construits complexes, des composés impurs et bricolés de réalités humaines et non humaines, s’avèrent intrinsèquement «toujours-déjà» vulnérables.

Anthropisation. Il n'existe pas d'exemple, dans l'histoire de l'anthropisation de la planète, d'habitation humaine qui n'aurait pas été frappée du sceau de la fragilité ; d'ailleurs, cette même histoire abonde d'exemples de sociétés disparues et de civilisations perdues. L'habitation humaine est donc fragile, menacée en raison même de ce qu'elle est. Bien sûr, certaines formes contemporaines semblent plus sujettes à la catastrophe que d'autres, notamment celles qui se caractérisent par le rejet de toute sobriété et versent dans