Les femmes rebelles tentées par la violence sont diabolisées depuis plus de deux siècles. Le spectre de la marche des femmes de l'automne 1789 a hanté l'imaginaire politique, à droite et à gauche, dans l'Hémicycle comme dans la rue. Elle illustre la violence sans retenue qui les caractériserait quand elles sont livrées, sans garde-fous, à elles-mêmes. Ce jour-là, le 5 octobre, des femmes décident de quitter Paris et de marcher sur Versailles. Sur place, elles forcent les grilles, malmènent les gardes, dont deux ont la tête séparée du tronc et fixée à l'extrémité d'une pique ; elles envahissent les appartements royaux, ramènent la famille du monarque de droit divin dans la capitale. Le roi se décide à voter la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Cette victoire d'une révolte féminine spontanée est unique. Elle est lue comme une violence politique et nul ne songe à disqualifier le rôle des femmes ni à les déresponsabiliser. Elle impose la thèse des femmes violentes par nature. Olympe de Gouges, républicaine de cœur et monarchiste de raison, choisit, dans l'éventail du répertoire politique, une autre forme. Après ses prises de position contre l'esclavage, elle rédige, en 1791, la très célèbre Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne dont le Postambule s'ouvre par la formule «Femme, réveille-toi». Elle est guillotinée, les clubs de femmes sont fermés, les citoyennes ne sont plus que les épouses des citoyens, les «amazones» qui
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Femmes rebelles, éternelles coupables
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par Frédéric Chauvaud, Professeur d’histoire contemporaine à l’université de Poitiers
publié le 9 octobre 2014 à 19h56
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