Ni le Vatican ni l'Etat français n'ont poussé la justice à enquêter sur la mort violente des sept moines de Tibéhirine, en 1996, en Algérie. Sans la détermination du père Armand Veilleux, ex-procureur général des cisterciens, et de la famille du religieux assassiné Christophe Lebreton, qui ont porté plainte en 2003, ces obscurs kidnappings et exécutions des «frères» de Notre-Dame-de-l'Atlas auraient été passés sous silence. Ou expliqués par les seules autorités algériennes. A l'aune des investigations réalisées depuis dix ans dans l'instruction pour «enlèvements, séquestrations et assassinats en relation avec une entreprise terroriste», la thèse officielle ne tient pas selon l'avocat des parties civiles, Patrick Baudouin : «La version constamment assénée des islamistes terroristes barbares du GIA [Groupe islamique armé, ndlr], seuls responsables de ces crimes, n'est pas crédible.»
Certes, les hommes armés qui ont forcé l'entrée du monastère la nuit du 26 au 27 mars 1996 et embarqué les frères ressemblaient à des islamistes. Mais comme le montre bien le film de Xavier Beauvois Des hommes et des dieux, les militaires ne supportaient plus la présence des moines qui refusaient de partir. Aux yeux de Me Baudouin, «le mobile est plus du côté des autorités algériennes qui voulaient chasser ces gêneurs prônant la réconciliation et soignant - en tout cas frère Luc, le médecin - aussi bien les gens de la plaine que de la montagne»,