Les exactions commises par des adolescents ou de jeunes adultes grimés en clowns participent d’une série de données propres à la fois au masque et à l’adolescence. Ces jeunes sont méconnaissables, le visage revêtu d’un masque. Or, le visage rend possible le lien social à travers la responsabilité dont il dote l’individu dans sa relation au monde. Dans nos sociétés, le principe d’identité loge essentiellement sur le visage, s’en défaire à travers un masque, un voile ou un grime est un acte de grande portée où l’individu, à son insu parfois, franchit le seuil d’une possible métamorphose. En ce qu’il empêche toute identification, l’effacement du visage entraîne un sentiment propice au jeu, à la transgression, au transfert de personnalité. Le masque n’assure pas seulement l’anonymat, il favorise aussi la levée des interdits, il catalyse ces tentations enfouies ou refoulées qui trouvent dans le principe d’identité incarné par le visage, leur gardien. En dérobant les traits, le masque suspend aussitôt l’exigence morale. Il lève le verrou du moi et laisse libre cours au jaillissement de la pulsion. L’effacement du visage est une voie royale d’accès à de nouvelles possibilités d’être, il offre le laissez-passer d’une expérimentation sans entraves. L’irruption violente de ces clowns dans l’espace public, pour commettre des violences ou des incivilités, renvoie surtout au pouvoir élémentaire que confère le masque.
Il s’agit de jouir de la métamorphose de soi, d’éprouver le frisson de m