William Bourdon (photo AFP) est avocat et dirige l’association Sherpa. Il a publié au printemps un
[ Petit Manuel de désobéissance civile. ]
Entretien.
Les rassemblements et les manifestations se multiplient après la mort de Rémi Fraisse. Mais le gouvernement ne donne le sentiment d’y répondre que par la tension, en mettant, comme à Paris, en garde de vue des manifestants venus défendre sa mémoire…
Ces gardes à vue avec contrôle ADN conduisent à intérioriser chez les jeunes le sentiment qu’ils sont précriminalisés à la manière de ce que Sarkozy avait voulu mettre en œuvre. La gauche le fait, là en catimini, de façon sournoise et loin du mandat qui lui avait été donné. C’est une situation extrêmement paradoxale. Alors qu’on devrait avoir un gouvernement à l’écoute de ce grand mouvement citoyen de colère, de protestation, d’indignation et de désobéissance civile, on a un gouvernement qui y répond par un traitement sécuritaire et répressif et quand la bonne décision est prise, elle est tardive et donc inaudible. L’on sait historiquement que cet autisme ne peut que fabriquer du malentendu, radicaliser la défiance et nourrir un cercle vicieux qui avec le temps devient de plus en plus difficile à renverser.
Le silence du pouvoir après la mort de Rémi Fraisse illustre-t-il cela ?
Ici on est accablé, car il est invraisemblable que des mots simples n’aient pas immédiatement été trouvés. Si au moins il y avait eu une parole publique immédiate, tellement évidente, disant, qu’à titre conservatoire, on suspend l’auteur du tir, que les responsabilités seront établies, que la famille a droit à la vérité sans accabler pour autant les gendarmes… Au lieu de cela, le pouvoir a préféré la logique chère à la droite dans ces situations : l’attentisme, l’atermoiement, le manque de transparence. Résultat, cette affaire contribue un peu plus à creuser le fossé