Mon père était un homme très actif, hyperactif même. Et du jour au lendemain, voilà qu’il se retrouve à demi-paralysé, cloué au lit, comme un papillon épinglé sur un bouchon de liège. Nous étions proches, et je le connaissais assez pour savoir que ce qui lui arrivait là était ce qui pouvait lui arriver de pire. Il ne se reconnaissait plus dans ce corps à moitié inerte, dans cette dépendance, dans cette sous-vie. Il me répétait, que ce n’était plus lui et qu’il ne voulait pas de ça, en désignant son propre corps. Il avait 88 ans.
Alors oui, quand il m’a demandé de l’aider à en finir, je l’ai compris. Ça a été un choc, mais je l’ai compris, profondément. Et j’ai accepté de l’aider. Au début, j’imaginais - bêtement - quelque chose d’assez joyeux, des amis proches réunis autour de lui, du champagne, et une potion qui lui permettrait de s’endormir définitivement, entouré des siens. J’ai vite déchanté. Même si l’on est pleinement conscient, qu’on a 88 ans, qu’on est dans un état de dépendance qui ne fera que se dégrader, on ne peut pas décider de mourir en France aujourd’hui. On n’a pas ce choix, on n’a pas cette liberté. Alors on m’a dit «mais pourquoi ne lui suggères-tu de se laisser mourir de faim ? Ou de garder chaque soir son somnifère jusqu’à ce qu’il y en ait assez pour les avaler tous d’un coup ?». Vous vous voyez dire à votre propre père, «écoute papa, je ne peux rien faire pour toi, si tu veux vraiment en finir, tu n’as qu’à te laisser crever de faim !».
On parle souvent d