Eve Shahshahani est avocate et responsable du programme asile à l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (Acat).
L’un des objectifs de la réforme de l’asile est la réduction du délai de traitement des dossiers. Or, demander l’asile, c’est justement prendre le temps de raconter son histoire…
Réduire le temps d’attente des demandeurs d’asile et désengorger les administrations et les juridictions sont des objectifs valables. Mais l’accélération telle que la conçoit le projet de loi est aveugle et pénalise les exilés. Demander l’asile suppose de pouvoir convaincre qu’on risque des persécutions en cas de retour dans son pays d’origine, pour des motifs politiques, religieux, ethniques, en raison de son orientation sexuelle… Et comme la plupart des réfugiés ne fuient pas avec une valise de preuves à charge, cela passe essentiellement par la parole. Or, on ne débite pas sur commande et à des inconnus le récit d’événements souvent traumatisants ou douloureux.
Vous pointez des risques de sorties prématurées du système de prise en charge.
Imaginons le nouveau dispositif comme un centre de tri. La procédure d'asile serait une chaîne de montage dont le tapis se dédouble à plusieurs étapes, avec des fourches qui poussent les demandeurs vers la sortie. Même si c'est officiellement l'Ofpra [l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, ndlr] qui décide du placement en procédure accélérée, la décision se joue en amont, alors que les demandeurs d'asile sont au guichet de l'administration, sans assistance et sans interprète. Là, sur la base d'a priori, l'administration pourra leur reprocher d'avoir fait une demande tardive, d'être trop peu crédibles, ou dépourvus de documents d'identité.
Une autre accélération vers