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grand angle

Du Tchad à Lens, une vie cramée

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Après deux ans de vaine attente, Adam Abkhar Ahmad Moussa s’est immolé par le feu dans les locaux de la Cour nationale du droit d’asile. Rencontre avec «un type torturé par la vie» qui a échappé de peu à la mort et risque toujours l’expulsion.
Le baby-foot sur lequel jouait le demandeur d'asile tchadien. (Photo Aimée Thirion)
publié le 16 décembre 2014 à 17h46

Assis sur son lit, les yeux rivés sur ses bras et ses mains recouverts de bandages, il a l'air d'un vieux monsieur fatigué et d'un enfant perdu, il a 38 ans. Il appuie plusieurs fois ses doigts immobiles sur le matelas, comme pour les faire marcher. Ses oreilles et son crâne parsemé de cheveux gris sont encore brûlés, mais les infirmières du centre de rééducation où il est hospitalisé disent qu'après deux mois de coma, «M. Ahmad va déjà mieux». Il aimerait récupérer son téléphone pour appeler sa famille, avoir quelques euros pour se payer un Coca, s'enquiert du dernier PSG-Barcelone. «On m'a refusé l'asile parce que je suis Tchadien», dit-il en colère. De ce qu'il nomme «l'incendie», il dit simplement : «Ça a été une crise. Je voulais des papiers. Je n'étais plus un homme, j'étais devenu un animal.» Il ne sait plus trop quand ça s'est passé.

Ce vendredi 3 octobre, Adam Abkhar Ahmad Moussa annonce à Rachid, son éducateur référent, qu’il part demander des renseignements sur sa situation à la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) de Montreuil (Seine-Saint-Denis). C’est inutile, lui répète Rachid, mais Adam laisse la clé de sa chambre à un ami et prend le train pour Paris. Quelques heures plus tard, Rachid entend un flash info dans sa voiture : dans l’après-midi, un demandeur d’asile tchadien s’est immolé à Montreuil.

«Exceptionnellement, il n'y avait pas beaucoup de monde ce jour-là», se souvient Maya Lino, avocate à la CNDA. Chaque j