A 71 ans, André Boiron, bandit de haut vol, en a passé trente-cinq en prison dont vingt à Saint-Paul, dans le centre de sa ville, Lyon. Sans compter les années en maisons de correction, en pensionnats et à l'armée : «J'ai toujours été enfermé finalement», dit-il, fataliste. Expédié à 9 ans pour une bêtise dans un centre de redressement en Savoie, dix-huit mois de froid, de faim et de coups l'ont endurci mais jamais maté. Dans son livre, T'en auras les reins brisés, ce géant brut de décoffrage écrit comme il parle son histoire de gone né en 1943 d'un père alcoolique et d'une mère impotente, materné par les prostituées de la rue Confort qui lui ont payé ses premières baskets : «J'en ai toujours voulu aux julots en costume cravate, c'est honteux.»
Vacciné contre le proxénétisme, le petit chose deviendra voleur. Entre deux boulots honnêtes, livreur, typographe ou chauffeur de bus, Dédé Boiron a pillé les coffres-forts d'usines, braqué avec le «gang des Juvaquatre», côtoyé les gens du SAC (service action civique) s'appuyant sur le «milieu» lyonnais, et soutenu son frère voyou soupçonné un temps de l'assassinat, en 1975 à Lyon, du juge Renaud alias «le Shériff». Sans jamais se chercher d'excuses, le détenu au long cours, qui ne cesse de rechuter sitôt la liberté retrouvée, ne voit pas d'autre solution pour gagner de l'argent : «Quand on est raide, on va voler même si on sait qu'on risque d'être marron», lance-t-il en référence à un coup fumant mais foireux commis en juillet 1987. Un hold-up dans l'Ain avec une équipe mal tuyautée - et surveillée par la police - qui les a conduits à la prise en otage toute une nuit d'un couple de banquiers. En fuite avec une balle dans la cuisse, Dédé Boiron sera rattrapé et enfermé. Pour se recycler, à la sortie, dans le trafic de drogue et de payer l'addition.
Au-delà de son histoire, André Boiron retrace l'évolution du système pénitentiaire, de la criminalité et de la population carcérale. Son récit s'enrichit d'encadrés historiques de Mireille Debard, ex-journaliste judiciaire de Libération. Libéré en mars 2012, le Lyonnais vivote avec une petite retraite et un couple de canaris. Marié et divorcé trois fois, avec quatre enfants qu'il n'a pas vus grandir, Dédé Boiron a récupéré la garde du benjamin de 15 ans qui était placé en foyer, et s'occupe de ses devoirs, fier du 13 de moyenne du fiston en seconde technique contre 4 avant. Enfin père.