La Seleção reprend la rouste
Eté 2014, le Brésil dispute la Coupe du monde de football à domicile pour la seconde fois de son histoire. La première, c'était en 1950 : une éternité. Mais la plaie est toujours ouverte avec cette finale maudite perdue au Maracanã face à l'Uruguay (1-0). Soixante-quatre piges plus tard, bis repetita. La Seleçao qui n'a jamais fait vibrer et rêver son peuple se fait fesser en demi-finale face à l'Allemagne 7-1. Trop la honte. Les Brésiliens, cinq étoiles sur le torse, ne sont pas près d'organiser une autre Coupe du monde. R.LA.
Union européenne : Eh bien, déchantez maintenant
Tel qu'il est, le projet européen ne fait plus rêver les quelque 500 millions de citoyens de l'Union. En France comme en Grande-Bretagne mais aussi en Italie, pourtant longtemps pays très europhile, et même en Allemagne, les élections du printemps pour le Parlement de Strasbourg ont été marquées par une poussée sans précédent des forces eurosceptiques et europhobes. Un populisme d'extrême droite prospère sur les angoisses identitaires et les égoïsmes nationaux. Dans les pays du Nord, il dénonce avant tout la solidarité imposée face aux «fainéants» du sud de l'UE. Chez ces derniers, au contraire, la dénonciation de l'Europe se nourrit du rejet des implacables politiques d'austérité imposées ces dernières années par Bruxelles et Berlin. Là, c'est surtout l'extrême gauche qui a le vent en poupe. Syriza en Grèce et Podemos en Espagne caracolent en tête des intentions de vote. S'ils ne remettent pas explicitement en cause l'idée d'Europe unie, ils veulent en redéfinir radicalement les bases. Le nouveau président de la Commission, le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker, a lui-même reconnu fin octobre, en présentant la nouvelle Commission, que c'était celle de «la dernière chance». M.S.
Dieudonné : quenelle sauce dérouillée
2014 fut l'année de la quenelle. Et c'est son inventeur, Dieudonné, qui l'a prise au creux des reins. Interdiction de son spectacle le Mur par le Conseil d'Etat, explosion de la «dissidence», cascade d'ennuis judiciaires et fiscaux et, pour finir, une mise en examen. S'il a mis les bouchées doubles pour accéder au rang de bête immonde - allant jusqu'à se gausser de la décapitation du journaliste James Foley -, le polémiste est moins prompt à payer la facture. Celle-ci est longue comme un avant-bras puisque le montant dû aux associations atteint plusieurs milliers d'euros. Pour survivre, Dieudonné a sollicité des dons auprès de ses fans. Est-ce parce qu'il se sent merdeux que l'histrion a proposé récemment au ministre de l'Intérieur de faire la paix ? Ou est-ce l'ultime provocation d'un bouffon antisémite ? W.L.D.
Le rouble ne vaut plus un kopeck
Les files d'attente s'allongent inexorablement devant les bureaux de change. Les Moscovites qui ont encore une épargne en rouble sont venus ici pour s'en défaire au plus vite. Car la baisse de la devise russe, qui dure depuis le début de l'année, vient soudainement de s'accélérer. Ce mardi 16 décembre, la chute est vertigineuse : 20%. En un an, la monnaie nationale aura perdu la moitié de sa valeur face au dollar. Pour le reste de la population, soit l'écrasante majorité, pour laquelle les fins de mois sont rudes, c'est la descente aux enfers. Sans le moindre rouble de côté, impossible de se protéger contre la valse des étiquettes.La chute de leur monnaie entraîne un effondrement du pouvoir d'achat des Russes.
Envolée des prix, entreprises à la peine pour rembourser des dettes en billets verts, le rouble aura d'abord chuté avec la crise ukrainienne et ses conséquences : des sanctions occidentales. Avec en prime des capitaux qui ont fui en masse. Un phénomène évalué à quelque 120 milliards de dollars (100 milliards d'euros). Mais c'est, surtout, la faute au pétrole, dont le prix du baril a été divisé par deux en six mois. La Russie se voyait chef de file des Brics, ces fameuses puissances émergentes (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud). Elle se découvre vulnérable. A l'instar de Poutine, elle réalise à quel point la rente pétrolière est loin d'être une assurance. Elle découvre surtout la faiblesse de son modèle de développement bâti sur les revenus de l'or noir. Or, le budget de la huitième puissance économique mondiale était jusqu'ici financé essentiellement par les impôts que versaient les compagnies pétrolières. V.D.F.
Thévenoud, le départ du fisc prodigue
Ne pas déclarer ses impôts, ne les payer que rattrapé par le fisc, le député Thomas Thévenoud appelle ça une «négligence». Un «scandale !» ont rétorqué ses concitoyens alors que le troisième tiers fiscal tombait dans leurs boîtes aux lettres. L'impunité des responsables politiques était-elle donc si forte que le législateur bafoue sans culpabiliser les règles de la République ? Le Premier ministre a aussitôt compris que l'incivisme de l'un poussait le pays à divorcer de tous. Ministre, Thévenoud ne le resta que neuf jours. Et fut banni dans la foulée des bancs socialistes de l'Assemblée. Las ! L'élu étiqueté infréquentable est toujours député. Depuis la révélation de sa «faute», la liste des parlementaires en délicatesse avec le fisc a grossi. La désillusion du peuple aussi. N.R.
Al-Baghdadi à la place du calife Moyen-Orient
Jusqu'à ce vendredi 9 juillet, on ne disposait que de deux médiocres photos d'Abou Bakr al-Baghdadi, l'une fournie par le FBI, l'autre par le ministère irakien de l'Intérieur. Mais était-ce vraiment lui ? Cette fois, c'est lui-même qui choisit de se dévoiler. On peut le voir sur une vidéo tournée dans la grande mosquée historique de Mossoul, la deuxième ville d'Irak, qu'il a conquise quasiment sans combats. Et s'il a accepté de se montrer, tout de noir vêtu, c'est pour se proclamer calife (successeur de Mahomet), sous le nom d'Ibrahim. Car, pour prétendre au titre de calife, il lui fallait sortir de l'ombre et prononcer un prêche afin de recueillir l'allégeance des musulmans.
De simple chef de guerre, il passe ainsi à un statut qui lui fait réunir sur sa seule personne les pouvoirs politiques et spirituels, ce qui, en théorie, le hisse au rang de supérieur hiérarchique du roi d'Arabie, gardien des deux lieux saints de l'islam, ou du président de la Confédération mondiale des oulémas musulmans, l'Egyptien Youssef al-Qaradawi. Son territoire s'étend de la périphérie d'Alep à celle de Bagdad soit une superficie comparable à la Grande-Bretagne, sur lequel vivent 6 à 8 millions de personnes. «Je suis le wali désigné pour vous diriger, mais je ne suis pas meilleur que vous. Si vous pensez que j'ai raison, aidez-moi, et si vous pensez que j'ai tort, conseillez-moi et mettez-moi sur le droit chemin. Obéissez-moi tant que vous obéissez à Dieu en vous», dira-t-il, près d'un siècle après l'abolition du califat (en 1924), reprenant mot pour mot les phrases d'un des premiers califes, dont il s'inscrit dans la lignée. I
l ajoutera : «Dieu a donné à vos frères moudjahidin la victoire après de longues années de jihad et de patience […]. Ils ont alors proclamé le califat et désigné le calife. Cela est un devoir pour les musulmans qui fut perdu pendant des décennies.»On le voit : si Ben Laden professait un jihad global pour provoquer un chaos général, il ne cherchait en rien à territorialiser la guerre sainte. La création d'un califat n'était pas sa préoccupation première mais constituait la dernière étape de son entreprise. A l'inverse, Al-Baghdadi veut ancrer le jihad dans un califat depuis lequel il compte partir à la conquête du monde musulman et provoquer le chaos dans le dar al-Harb («la maison de la guerre»), c'est-à-dire les pays non musulmans. J.-P.P.
Poutine au pied du mur Guerre re-froide
En septembre 2001, Vladimir Poutine avait surpris en offrant son aide à George W. Bush et à l'Amérique endeuillée par les attentats de New York. Les deux hommes s'étaient rencontrés à Ljubljana et Bush avait cru «percevoir son âme : celle d'un homme profondément dévoué à son pays». La lune de miel n'avait pas survécu à l'aventure irakienne de Bush et aux révolutions de couleur (rose en Géorgie, orange en Ukraine) dans l'«étranger proche» de la Russie. Les relations se sont envenimées jusqu'au fameux «reset» ordonné par Obama. Mais la relance n'a jamais pris corps. Et l'Ukraine a fini de fâcher les deux puissances, l'américaine à son faîte et la russe en débandade. La chute de Ianoukovitch en février 2014, sous les coups des manifestants de Kiev (photo) qui s'estimaient floués après son refus de signer un accord avec l'UE préparé pendant des années, a convaincu Poutine que l'Occident n'a jamais eu d'autre intention que de s'étendre au détriment de la Russie. Et qu'un nouveau mur, invisible cette fois, a remplacé celui de Berlin. C'est ce que Poutine a expliqué le 18 décembre : «Ne nous avaient-ils pas dit, après la chute du mur de Berlin, que l'Otan ne s'étendrait pas à l'Est ? Mais cela s'est produit immédiatement. Deux vagues d'expansion ? N'est-ce pas un mur ? C'est un mur virtuel.» H.D.P.
«Exhibit B» : je suis antiraciste, mais…
Le jeudi 27 novembre, à l'occasion d'une représentation au Théâtre Gérard-Philipe à Nanterre (Hauts-de-Seine) d'Exhibit B, pièce antiraciste du Sud-Africain Brett Bailey, des antiracistes manifestent et s'en prennent physiquement à d'autres. Incompréhension générale. Alors que Brett Bailey entend apparemment faire expérimenter au spectateur les horreurs de la colonisation, ceux qui s'opposent à cette œuvre arguent que l'utilisation du corps noir et l'itération des fantasmes blancs ne sauraient en aucun cas provoquer la catharsis attendue et que, quand bien même, il y a des façons moins «racistes» de lutter contre la négrophobie. Le clash est surtout l'occasion de mesurer le mécontentement de toute une partie de la population française quand elle s'aperçoit que les stéréotypes à son égard ne sont pas guéris et que Franz Fanon n'a pas été lu. La rupture, pour les intellectuels, c'est de s'apercevoir que désormais les musulmans s'occupent de l'islamophobie, les Noirs de la négrophobie, les juifs de la judéophobie, mais plus personne du racisme ni de l'imbécillité, qui sont le lot de tous les hommes. E.L.
Chutes de cocotiers chez les voyagistes Tourisme
Capri, c'est fini ? Pas encore, mais c'est sans doute pour bientôt, tant les destinations de vacances se sont réduites cette année. En 2014, «voyager» a malheureusement rimé avec «danger à étranger». Il y a quelque temps pourtant, l'Indonésie, la Malaisie, les Philippines, les Comores, la Tunisie, l'Egypte ou le Kenya s'affichaient dans les vitrines des agences de tourisme sur fond de cocotiers verdoyants, de plages de sable blanc et d'enfants souriants. Las, ces pays clignotent désormais en rouge sur le site du ministère des Affaires étrangères, qui a listé en septembre quarante destinations à risques «compte tenu de l'actualité».
Une actualité politique qui se double désormais de craintes sanitaires en Afrique - où Ebola s'installe - et climatiques en Asie et en Amérique centrale - régions du globe régulièrement balayées par les typhons et les crues. Alors que le trafic aérien est en augmentation constante, que le nombre de touristes ne cesse de grimper, que Paris demeure la ville la plus visitée du monde (cocorico, on reste devant Londres !), va-t-on devoir se contenter en 2015 de week-end à Bruxelles ou à Bâle avec une expédition à Ibiza pour les grandes vacances ? Même pas sûr ! Certains, à droite, parlent maintenant d'annuler les accords de Schengen et de fermer nos frontières ! Cet été donc, à défaut des contreforts de l'Himalaya ou des pentes du Fujiyama, tous à la Grande Motte ! F.D.