C’est à Wissous que va reposer la petite Rom, Maria Francesca, deux mois et demi, décédée de la mort subite du nourrisson dans la nuit du 25 au 26 décembre et dont l’inhumation a été refusée par la mairie de Champlan (Essonne). Elle a été inhumée lundi aux environs de 13 heures, à 7 kilomètres du bidonville dans lequel vivait sa famille depuis plus d’un an. La cérémonie, extrêmement sobre, s’est tenue dans le petit cimetière de Wissous baigné de silence. Elle avait été précédée, deux heures plus tôt, d’une messe organisée à Massy. Sous une bruine fraîche, le cortège, composé d’une soixantaine de personnes, a accompagné la dépouille du bébé dans le recueillement. A l’avant, la famille entourait la mère de l’enfant, la tête recouverte d’un voile blanc. Elle est arrivée en larmes, criant son désespoir. Le malaise persistait autour d’elle lorsque le curé a béni le petit cercueil blanc avant sa mise en bière.
Symbole. Etaient présents des représentants de structures de soutien à la communauté rom, comme Gabrielle et Monique, militantes dans l'association départementale Gens du voyage de l'Essonne. Elles connaissent la famille, à qui elles ont donné des cours d'alphabétisation pendant plusieurs années. «C'est important que les gens soient venus là pour nous», confie l'une des membres de la famille, son bébé dans les bras. Quelques élus locaux avaient fait le déplacement : le maire (UMP) de Wissous, ainsi que deux conseillers régionaux, l'un du Front de gauche, l'autre écologiste. Autour du cimetière stationnaient les camions et voitures des journalistes venus en nombre couvrir l'enterrement d'un bébé symbole des discriminations dont sont victimes les Roms. «Cette affaire illustre le fait que les Roms ne sont pas acceptés dans nos communes aussi bien morts que vivants», souligne Marie-Claire Gourinal, membre du collectif Romeurope 94 qui est présente avec quatre autres militants.
Philippe Camo, responsable départemental PCF et conseiller régional Front de gauche, fait le même constat. «On est une petite délégation PCF venue soutenir la famille et condamner le refus d'inhumer. C'est humainement insupportable dans un climat national nauséabond où les pauvres deviennent des pestiférés. En voici un exemple au même titre que le maire d'Angoulême qui a mis des barrières sur les bancs pour empêcher les SDF de dormir», dénonce-t-il. «La décision du maire, pour nous, est hautement symbolique. On nie à une famille le droit d'enterrer son enfant.»
«Erreur». Le maire divers droite de Champlan, Christian Leclerc, accusé d'avoir refusé d'inhumer le bébé dans son village, s'est défendu dans un communiqué dimanche soir. Il évoquait «une erreur de compréhension dans la chaîne de décision», et disait souhaiter que l'inhumation du bébé «puisse avoir lieu à Champlan». Proposition de dernière heure rejetée par la famille.
Richard Trinquier, maire (UMP) de Wissous, affirme avoir eu Christian Leclerc au téléphone dans la matinée. «Il ne voulait pas venir, compte tenu du contexte. Il m'a dit de faire part de ses condoléances à la famille. Je lui ai proposé de faire une conférence de presse commune, mais il est prostré. Il faut qu'il s'exprime.» Richard Trinquier laisse entendre que le maire de Champlan pourrait donner une conférence de presse en sa compagnie. Cela ne se fera pas. «Je ne veux pas qu'il y ait d'exploitation politique de ma décision d'inhumer ce bébé dans ma commune», soulignait l'édile de Wissous. «Je ne me suis pas posé de question. Pouvoir enterrer son enfant n'est que pure humanité.»
Dimanche, le parquet d’Evry a ouvert une enquête préliminaire pour «discrimination» afin de déterminer les conditions du refus du maire de Champlan.
Photo Marc Chaumeil