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Libération
Le point à 19 heures

Crépy-en-Valois, Montrouge, Charleville... Récit d'une journée confuse

Prises d'otages à Paris et Dammartin-en-Goëledossier
Une policière tuée, une chasse à l'homme en Picardie, «Charlie Hebdo»... Ce que l'on sait ce jeudi soir.
Des membres du GIGN à Corcy, près de Villers-Cotterets, à la chasse aux frères Kouachi. (AFP)
publié le 8 janvier 2015 à 18h56
(mis à jour le 8 janvier 2015 à 19h10)

Jour 2. Au lendemain de l'attentat contre Charlie Hebdo tuant douze personnes, les tireurs sont toujours en fuite. Ce matin, une policière municipale a été tuée dans une rue à Montrouge près de Paris, sans qu'aucun lien n'ait pu être établi avec les événements de mercredi. Une certaine confusion et agitation règne ce jeudi, avec des informations parvenant de toutes parts. Le point sur ce que l'on sait, et ce que l'on sait pas, ce jeudi à 19 heures.

Que se passe-t-il à Crépy-en-Valois ?

Les informations contradictoires continuent d'affluer concernant la situation dans cette ville de 14 000 habitants située à 60 kilomètres au nord-est de Paris. Peu après 14 heures ce jeudi, plusieurs médias, reprenant, disent-ils, une information de la préfecture de l'Oise, annoncent que les suspects de la fusillade de Charlie Hebdo ont été repérés et qu'ils sont retranchés dans une habitation.

Cependant, sur place, la situation est nettement moins claire. Notre envoyé spécial Sylvain mouillard a identifié au moins trois lieux investis par le Raid et le GIGN. Le premier serait une ferme située à Longpont. Un peu plus au sud, au coeur de la forêt de Retz, les unités d'élite patrouillent et fouillent systématiquement les maisons et jardins de la commune de Corcy. Maxime, 46 ans, habite le village : «Ça fait deux heures qu'ils sont arrivés. J'ai eu le droit à la fouille totale de ma maison. Ils étaient six et ils ont passé cinq à dix minutes, deux au sous-sol, deux dans la maison, deux dans le jardin. Ils ne parlent pas beaucoup. Apparemment, ils auraient retrouvé la voiture des deux suspects abandonnée dans le coin. Ils seraient désormais à pieds. On les aurait aussi aperçus dans une ferme du secteur, c'est pour ça qu'ils vérifient les habitations.»

Des constatations avaient toujours lieu à 16h30 dans une station essence probablement braquée par les deux fugitifs, ce jeudi matin. Celle-ci se trouve sur la RN2 près de Villers-Cotterêts. Notre envoyé spécial nous précise que les transports scolaires sont suspendus dans un large périmètre. C’est la première fois depuis le début de la traque que le Raid et le GIGN sont déployés ensemble. S’ils s’entraînent ensemble depuis des années, notamment sur la base du GIGN à Beynes (Yvelines), les policiers et les gendarmes rompus aux techniques d’intervention n’avaient jamais collaboré sur un théâtre d’opération.

Que s'est-il passé à Montrouge ?

Le scénario du drame est encore très flou. Une policière municipale de 26 ans a été tuée par balles peu après 8 heures, avenue Pierre Brossolette à Montrouge (Hauts-de Seine) lors d'un banal accrochage entre deux voitures. «Il n'y a aucun lien entre les deux affaires à ce stade de l'enquête» selon le Parquet de Paris qui ajoute : «Deux personnes sont en garde à vue depuis ce matin dans les locaux de la police judiciaire des Hauts-de-Seine. Un homme de 46 ans et un autre de 38 ans.» 

L'homme, dont la police ne donne aucun descriptif, aurait agi seul et portait un gilet pare-balle et «a priori une cagoule» selon le Parquet de Paris. Il avait un ou deux pistolets automatiques dans sa voiture.

Deux versions sont retenues par la police sur ce qui s'est passé. Dans la première, le tireur pourrait être l’un des deux conducteurs impliqué dans l’accident. Dans la deuxième, le tireur aurait surgi dans une Clio en tirant de son véhicule avec une arme automatique.

Au moins trois coups de feu sont tirés. Une policière municipale reçoit deux balles, dont l'une dans la gorge selon une source policière. Elle décède quelques minutes plus tard. Un agent de la voirie est aussi touché par une balle, il est désormais hors de danger. Le tireur reprend aussitôt la fuite. «J'ai entendu les coups de feu. Je suis descendu et j'ai vu la policière à terre se faire réanimer par des personnes autour. J'ai appelé les pompiers qui sont arrivés très vite sur place», raconte Chérif, tremblotant. Le parquet antiterroriste est saisi de l'enquête.

Que s'est-il passé à Charleville-Mézières ?

Mercredi soir, aux alentours de 21h30, un document interne à la police fuite. Il s'agit de l'identité de trois hommes ayant probablement participé à l'attaque de Charlie Hebdo. Parmi eux, les frères Kouachi, Saïd, 34 ans, et Chérif, 32 ans. Ils continuent d'être activement recherchés dans l'Aisne. Lors d'un point presse jeudi soir, le ministre Bernard Cazeneuve a déclaré que Saïd Kouachi a été «formellement reconnu» sur photo comme étant l'un des «agresseurs».

En revanche, Hamid M., 18 ans, présenté comme un possible troisième homme, ne serait plus en cause. Mercredi soir, voyant son nom associé à l’affaire, ce lycéen en terminale S de Charleville-Mézières s’est rendu au commissariat avec ses parents. Il a immédiatement été placé en garde à vue. Faute de charges, et au regard des témoignages de ses camarades de classe indiquant qu’il se trouvait en cours au moment des faits, ce dernier a visiblement été relâché. Selon certaines sources, il serait le beau-frère de Chérif Kouachi, l'un des suspects de la tuerie. L’hypothèse d’un troisième homme demeure donc relativement trouble.

Que s'est-il passé à Reims ?

Mercredi soir, peu après 23 heures, on apprend qu'une opération de police avec le Raid est en cours à Reims. Elle se déroulerait sur trois sites différents. Interrogé par l'AFP, un officier du Raid met en garde les journalistes présents, les appelant à la plus grande prudence. De deux choses l'une, dit-il. Ou bien, «prévenus par la presse et les réseaux sociaux, ils (les suspects) sont partis», ou bien «ça va rafaler».

Notre journaliste Elise Godeau, envoyée spéciale à Reims, raconte la surprise et l'hébétude des voisins des frères Kouachi, présumés être les auteurs de la tuerie. Claudine Dulong, qui vit en face de Saïd, sur le même palier, parle d'une famille très calme. «On entendait un peu le bruit de leurs deux enfants en bas âge, mais c'est tout.» «On ne les voyait pas plus que ça. Je n'aurais jamais cru…», confie-t-elle, chamboulée après la difficile nuit qu'elle vient de passer. «Entre minuit et demi et 5 heures du matin, il y a eu un bruit pas possible.»  Plusieurs appartements ont été perquisitionnés. Et quatre personnes auraient été interpellées pendant la nuit, selon nos informations, dont notamment la sœur et le beau-frère des suspects, placés en garde à vue. Mais pas de «rafale».

Notre reportage à Reims: «Jamais j'aurais cru...»