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Libération
Reportage

Dammartin-en-Goële: «On s’est installé ici pour vivre dans le calme. On a vu juste, hein!»

Prises d'otages à Paris et Dammartin-en-Goëledossier
Avant l'intervention des forces de l'ordre, la tension était palpable parmi les habitants de la petite ville de Seine-et-Marne.
Des journalistes à Dammartin-en-Goële. (Photo Guillaume Binet. MYOP)
publié le 9 janvier 2015 à 18h14

Avant l'assaut et la libération de l'otage, Dammartin-en-Goële et ses 8500 habitants ont vécu plusieurs heures avec deux meurtriers en cavale. Une centaine de journalistes étaient retenus à l'écart de l'imprimerie où étaient retranchés les assassins présumés de Charlie Hebdo. «J'habitais à Villiers-le-Bel avec mon mari et nos enfants, dit Valérie. On s'est installé ici pour vivre dans le calme. On a vu juste, hein!» Aujourd'hui, le calme, c'est au centre-ville de cette commune de Seine-et-Marne, distante d'une quarantaine de kilomètres au nord de Paris, quasidésert, qu'on le trouve: les rideaux des commerces sont quasiment tous baissés, l'activité humaine paralysée, les rues vidées. «Un employé municipal est passé ce matin après 9 heures pour nous dire de fermer, témoigne Marie, qui tient le bar-tabac l'Aubrac dans la rue principale. Mais pour une fois que je peux faire du chiffre, je ne vais pas m'en priver.» Au comptoir, un client philosophe: «Lamartine disait: ne te réveille pas quand je dors.»
Cherif, lui, a accouru ventre à terre de Neuilly où il travaille, pour «rassurer» sa femme, cloîtrée dans la maison familiale: «On se plaint tout le temps que la vie est trop tranquille ici. A l'avenir, je crois qu'on se plaindra moins…»

«Ne rien dire aux petits»

En périphérie du bourg, à quelque 300 mètres de l'imprimerie où sont retranchés les deux fuyards, les stores de l'école maternelle et primaire Henri-Dunant sont fermés depuis le milieu de matinée. Il est midi et aucun enfant n'a pu quitter l'enceinte scolaire. Leïla, Karima, Sylvain et les autres parents attendent entre désespoir et stress maximal. «Les enseignants ont demandé aux grands de ne rien dire aux petits», raconte Karima, qui a parlé à la directrice de l'école au téléphone. Les enseignants ont envoyé des textos rassurants aux parents. «Ils ont réuni tous les enfants dans le réfectoire et ils leur passent des DVD», précise Sylvain, qui a été informé de la situation vers 9 heures par des bruits de rotors. «Les cinq hélicos ont failli soulever les tuiles de ma maison», dit Sylvain. Leïla stresse: «Mes trois enfants sont scolarisés ici. C'est toute ma vie qui est à l'intérieur.» Gilles, parent d'une élève de CM2, s'énerve: «A la télé, ces imbéciles on dit que l'école était à portée de lance-roquettes de l'imprimerie !»

Non loin, des jeunes du tout récent lycée général mettent le nez hors des fenêtres pour crier «Charliiiieeeeeeee !!!!!!!» Peu après 13 heures, les élèves d'Henri-Dunant sont enfin évacués de leur école pour monter dans des bus en direction du gymnase d'une localité avoisinante, où leurs parents sont invités à venir les chercher.