A peine 24 heures après l'attaque contre Charlie Hebdo, les complotistes ont commencé à répandre leurs théories fumeuses sur Internet. Souvent liés à l'extrême droite, ils remettent en cause la «thèse officielle» de l'attentat perpétré par des islamistes. A l'appui de leur démonstration, des captures d'écran de qualité médiocre auxquelles ils font dire tout et n'importe quoi. La couleur des rétros de la voiture utilisée pour leur fuite dans le 11e arrondissement ne serait pas la même que celle qu'ils ont abandonnée dans le 19e; c'est donc qu'ils en ont changé… Pas de sang sur le trottoir où le policier a été achevé à bout portant; c'est donc une mise en scène… Conclusion: on nous ment, tout cela est un coup monté.
«C'est un phénomène qui se répète malheureusement après chaque acte terroriste, explique Jean-Yves Camus, politologue et spécialiste des radicalités. Pour certains, la version officielle sera fausse, quoi qu'elle avance, justement parce qu'elle est officielle. Ces gens-là considèrent Internet comme un espace de contre-culture, de liberté. Ils contestent toute objectivité des faits. N'importe quelle preuve qu'on pourrait leur amener serait disqualifiée au motif de sa provenance.»
Un phénomène particulièrement répandu dans la sphère dite «dissidente». «Les milieux dieudonné-soraliens se font un plaisir d'orienter les internautes vers des pistes qui les arrangent», souligne Jean-Yves Camus. Depuis jeudi, le site «d'informations» de Dieudonné, Quenel+, multiplie les «articles», aux titres évocateurs: «Qui a commandité l'attentat contre Charlie Hebdo?» ou «Charlie Hebdo, première preuve d'un attentat sous faux drapeau? [autrement dit un attentat commis en se faisant passer pour un autre; ndlr].». Objectif: démontrer que d'obscures forces étrangères ont orchestré ce massacre, dans le but de faire monter l'islamophobie en France. Maxence Buttey, élu FN récemment viré du parti pour avoir partagé une vidéo intitulée «les Miracles du Coran», semble également croire en cette théorie conspirationniste, lui qui retweete des messages où l'on s'interroge sur la possibilité d'un «faux drapeau», étant donné que «les deux tireurs ne sont pas morts en martyrs».
«Les théories du complot s'étaient vite propagées suite au 11-Septembre, mais le phénomène s'est accéléré avec Twitter ou Facebook», ajoute Jean-Yves Camus. On l'avait déjà constaté en 2012, quand une partie de la toile avait relayé des théories plus confuses les unes que les autres au moment de l'affaire Merah. La solution? Elle existe, rappelle Jean-Yves Camus. L'article 27 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, qui prévoit que «la publication, la diffusion ou la reproduction de nouvelles fausses […] si elle est susceptible de troubler la paix publique» est passible d'une amende de 45 000 euros.