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Libération

Barrage de Sivens : le gendarme qui a lancé la grenade en garde à vue

Sivens, barrage morteldossier
Fin octobre, Rémi Fraisse, jeune militant écologiste, avait trouvé la mort sur le site du barrage contesté, dans le Tarn. Un rapport interne de la gendarmerie avait réfuté toute faute des forces de l'ordre.
Une photo de Rémi Fraisse, tué sur le barrage de Sivens fin octobre, devant un lycée parisien, le 6 novembre 2014. (Photo Kenzo Tribouillard. AFP)
publié le 14 janvier 2015 à 10h53
(mis à jour le 14 janvier 2015 à 11h45)

Le gendarme qui a lancé la grenade offensive responsable de la mort de Rémi Fraisse, 21 ans, a été placé en garde à vue ce mercredi matin. L'homme est interrogé au Bureau des enquêtes judiciaires, à Malakoff (Hauts-de-Seine), qui dépend de l'inspection générale de la gendarmerie (IGGN). L'information a été dévoilée par Le Parisien. Le maréchal des logis-chef J., 32 ans, faisait partie de l'escadron de gendarmerie mobile 28/2 de La Réole (33), déployé sur le site du barrage de Sivens lors du week-end des 25-26 octobre.

La garde à vue se déroule dans le cadre de l'information judiciaire ouverte le 29 octobre par le parquet de Toulouse pour «violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner». Cette décision, prise par les deux juges d'instruction saisies de l'affaire, est saluée par Arié Alimi, l'avocat de la famille de Rémi Fraisse. «Sans violer la présomption d'innocence du gendarme, si on place quelqu'un en garde à vue, c'est qu'on a des éléments.» Du côté du parquet de Toulouse, on indique que «la garde à vue est le cadre le plus porteur de droits», récusant toute conclusion hâtive.

L'avocat estime que ce nouveau développement «met à mal le rapport de l'IGGN», qui affirmait «formellement qu'aucune faute n'avait été commise» par les forces de l'ordre la nuit du drame. Ce document de 45 pages, publié le 3 décembre, dédouanait en effet largement les gendarmes. «Le cadre juridique d'emploi de la force et d'usage des armes pendant les affrontements de la nuit du 25 au 26 octobre est conforme aux prescriptions légales et réglementaires», affirmait-il. Aucune «faute professionnelle» n'aurait été commise par les forces de l'ordre, qui auraient même agi «avec professionnalisme et retenue».

Me Alimi reste cependant prudent sur les suites de l'enquête ouverte contre X. Il s'interroge sur le «choix du moment» pour ce placement en garde à vue. «On assiste à l'union nationale après les événements terroristes de la semaine passée. L'action exemplaire des forces de l'ordre est saluée», développe-t-il. Un contexte favorable qui s'ajoute à d'autres éléments. Selon l'avocat, plusieurs témoins, proches de Rémi Fraisse dans la nuit du 25 au 26, ont été victimes de «menaces et de tentatives d'intimidation» lors de leurs auditions par les gendarmes.

«On tentait d'obtenir une réponse orientée de leur part, on leur faisait reformuler, pour leur faire dire des choses qu'ils n'ont pas vues ou ressenties.» Or, affirme-t-il, dans ce dossier «très technique», les choses peuvent «se jouer à un centimètre près : un positionnement, la façon dont la grenade a été lancée». Plus largement, il déplore que l'enquête soit conduite par la gendarmerie, ainsi que le prévoit le code de procédure pénale. «C'est un problème légal structurel», dit-il.