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Libération

Les ambiguïtés de l’antiracisme

publié le 16 janvier 2015 à 17h06

Depuis les attentats des 7 et 9 janvier, certaines voix se sont élevées pour expliquer le terrorisme par la discrimination dont la population d’origine musulmane serait victime. Aux yeux de ces penseurs de «gauche», le terroriste ne ferait que «mal» réagir à une situation «intolérable». Il va de soi qu’ils ne justifient pas ces barbaries : ils ne font que contempler tristement les «causes» de ces événements.

Ces bonnes âmes croient rendre service à ceux qu’ils tiennent pour leurs «protégés». Alors qu’en vérité, elles sont aussi nuisibles aux intérêts de ces derniers que les apôtres de l’extrême droite.

En effet, si l’on suit leurs raisonnements, n’importe quel musulman est un terroriste en puissance. Comment peuvent-ils s’offusquer de l’amalgame qui est fait entre le terrorisme et l’islam, si à leurs yeux, les musulmans sont si opprimés que, du jour au lendemain, une envie intolérable d’aller massacrer des intellectuels et des juifs peut éclore en eux ?

Par ailleurs, si la situation de cette communauté était si intolérable - au point d’expliquer que l’on devienne terroriste au nom d’Allah - pourquoi ces bonnes âmes craindraient-elles le triomphe de l’extrême droite puisque leur condition ne pourrait pas s’aggraver davantage ?

Si ces «amis» des musulmans étaient cohérents, ils devraient même souhaiter que le Front national arrive au pouvoir : ce serait la seule manière de mettre enfin en évidence le racisme inacceptable dont sont victimes leurs «protégés». On dira que je ne comprends rien, que je mélange tout. Et qui sait ? Peut-être même qu'une bonne âme me traitera de raciste, et me conseillera d'aller m'inscrire au parti de Marine Le Pen, au lieu d'écrire des stupidités dans Libération.

Et peu leur importera de perdre des alliés politiques comme moi et d’autres encore, qui pensent de la même façon. Car, ce qui compte à leurs yeux, ce n’est pas de lutter contre le racisme, mais de faire triompher ce pseudo-antiracisme qui est lui aussi un discours de haine.

En effet, le but de cette rhétorique est d’attribuer au seul racisme l’ensemble des maux dont pâtissent certaines franges défavorisées de ce pays. Ces arguments fallacieux feraient naître de la haine au sein de n’importe quelle population. C’est le même procédé qu’utilisent les féministes officielles pour expliquer la situation d’infériorité dans laquelle se trouvent les femmes. La haine masculine serait seule responsable. La condition inférieure ne s’expliquerait pas par le fait que ce sont toujours les femmes qui ont les enfants à charge, la faute en reviendrait aux hommes qui cherchent à les asservir, à les utiliser comme des objets sexuels et à les prendre pour des moins que rien.

Peut-être un jour comprendra-t-on, enfin, que dans une démocratie comme la nôtre, dans laquelle l’égalité des individus est garantie par la loi, le racisme ne se combat pas par l’antiracisme. Car, ce type de discours ne peut qu’accroître le malheur que ressent celui qui hait. Et exacerber la folie des terroristes qui tuent au nom d’un dieu. Pour les individus qui sont la cible du racisme, le mieux à faire est de le mépriser. Et pour cela, la meilleure solution est d’avoir des projets et des désirs. Cela ne signifie pas que chacun d’entre nous n’ait pas à se battre contre certains partis extrémistes et idéologies nauséabondes, qui risquent de compromettre la démocratie. Bien au contraire. Il faut aller plus loin encore, et faire en sorte que les deux idéaux démocratiques, que sont l’égalité et la liberté, ne se cessent de se développer. Et ce chemin est sans fin.

Cette lutte n’a rien à voir avec l’antiracisme, elle est celle du peuple lui-même cherchant à parfaire les idéaux démocratiques. La démocratie n’est pas faite pour les lâches ni pour ceux qui se vivent en victimes mais pour des citoyens.