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Libération
Décryptage

Quatre hommes poursuivis pour avoir aidé Amedy Coulibaly

10 ans après l'attentat contre Charlie Hebdodossier
Le procureur de Paris, François Molins, a détaillé le profil des personnes mises en examen et écrouées qui gravitaient autour du terroriste.
Le procureur de Paris François Molins lors d'une conférence de presse, le 9 janvier 2015 à Paris (Photo Matthieu Alexandre. AFP)
publié le 21 janvier 2015 à 11h59

Agés de 22 à 28 ans, quatre hommes originaires pour la plupart de l'Essonne et soupçonnés d'avoir «fourni une aide logistique à Amedy Coulibaly» ont été mis en examen, notamment pour «association de malfaiteurs terroristes en vue de commettre des crimes d'atteinte aux personnes», et écroués dans la nuit de mardi à mercredi. Ils ne sont pas impliqués dans les assassinats commis par le preneur d'otages de Porte de Vincennes mais ont aidé à acheter du matériel ou un véhicule. Ils n'ont pas de passé dans le terrorisme mais forment, selon le procureur de Paris, François Molins, «une sphère d'individus qui se connaissent soit parce qu'ils ont grandi et vécu dans le même quartier, soit parce qu'ils ont commis ensemble des faits qui relèvent de la délinquance de droit commun, soit parce qu'ils se sont connus dans le cadre de séjours en prison».

Qui sont les personnes arrêtées ?

Il y a d'abord un trio : Willy P., Christophe R. et Tonino G. Selon le procureur, «ils se sont rendus à trois ou quatre reprises à la fin du mois de décembre dans des armureries de Paris et de la petite couronne afin d'acquérir du matériel pour le compte d'Amedy Coulibaly» : des gilets tactiques (appellation pour des gilets multipoches), plusieurs couteaux, un Taser et des bombes lacrymogènes.

Ce matériel aurait été stocké jusqu'au 1er janvier chez Christophe R., date à laquelle Amedy Coulibaly serait venu le récupérer. Il «correspond au matériel retrouvé sur Amedy Coulibaly et dans son appartement» à Gentilly (Hauts-de-Seine). Le trio était également présent lors de l'achat de la Mégane dont Amedy Coulibaly s'est servie pour se rendre à l'Hyper Cacher.

Concernant le quatrième homme, Michaël A., on a retrouvé son ADN sur un pistolet automatique et un revolver saisis au domicile de Coulibaly à Gentilly. Son profil génétique figure également sur un gant retrouvé dans l’Hyper Cacher.

La téléphonie démontre que Michaël A. était «en contact très régulier et soutenu au cours des quatre derniers mois avec des lignes de téléphone utilisées par Amedy Coulibaly». On dénombre ainsi 362 messages et 13 appels échangés. Le 6 janvier, veille du massacre commis par les frères Kouachi à Charlie Hebdo, ils ont eu 18 contacts téléphoniques. L'avant-veille, le 5 janvier, les deux hommes ont été géolocalisés «aux mêmes lieux et heures pendant près de six heures». Et une vidéosurveillance les montre ensemble ce jour-là à Grigny (Essonne).

Quel est le passé judiciaire des quatre hommes ?

Trois fois condamné par la justice entre 2009 et 2011 pour vol, violences aggravées et recel, Michaël A. avait également écopé de quatre ans de prison, dont un an avec sursis, en novembre 2011, pour trafic de stupéfiants. C’est lors de cette incarcération qu’il a connu Amedy Coulibaly. Il était sorti en mai 2013.

Parmi les trois autres hommes, Christophe R. a été condamné six fois entre 2007 et 2009 (conduite sans permis, violences aggravées, vol aggravé, recel), et Willy P. cinq fois, de 2005 à 2012 (vol aggravé, conduite sans permis, outrage à personne dépositaire de l’autorité publique et rébellion). Tonino G. n’a pas d’antécédents.

Que s’est-il passé à Fontenay-aux-Roses ?

Un joggeur blessé le 7 janvier à Fontenay-aux-Roses (Hauts-de-Seine) pourrait avoir été victime d'un «tir d'entraînement» d'Amedy Coulibaly, estime le procureur de Paris. «On peut tout imaginer. Certains enquêteurs ont émis l'hypothèse là-dessus d'un possible tir d'entraînement», rapporte François Molins.

Lors de cette fusillade au soir de la tuerie de Charlie Hebdo, le joggeur de 32 ans a été touché à une jambe et dans le dos sur la promenade de la Coulée verte. Le tireur non identifié a pris la fuite à pied. Mais les expertises balistiques ont démontré une similitude entre les étuis percutés retrouvés sur les lieux et l'un des pistolets Tokarev d'Amedy Coulibaly saisis au supermarché casher.

Que visait Coulibaly à Montrouge ?

Le lendemain des faits à Fontenay, Amedy Coulibaly assassinait une policière municipale à Montrouge (Hauts-de-Seine). Que visait-il ce jour-là ? «On n'est pas dans la tête du terroriste, affirme François Molins, mais on ne peut pas ignorer le fait que, à proximité quasi immédiate de la scène de l'assassinat de cette pauvre policière, il y a une école juive. La question se pose» de sa cible exacte ce jour-là. Quant à l'attaque de l'Hyper Cacher le 9 janvier, elle n'a «pas été improvisée le 9 au matin», affirme le magistrat.

Que contenait l’appartement de Gentilly ?

Coulibaly l'occupait depuis le 4 janvier, soit très récemment. Selon le procureur, il était «très sommairement meublé» et Amedy Coulibaly, «selon toute vraisemblance», y a tourné «une partie de sa vidéo de revendication ». pour laquelle il reste à déterminer qui l'a montée, après sa mort dans l'assaut de l'Hyper Cacher.

Pour le magistrat, cet appartement de Gentilly «s'apparente à un véritable logement conspiratif». Dans la salle de bain, on a saisi deux valises. Dans la première se trouvaient «un gilet tactique, un Coran, une paire de jumelles, une dague, et des photocopies d'un drapeau jihadiste». Dans la seconde, «quatre pistolets automatiques Tokarev, un revolver, quatre munitions de kalachnikov, deux bombes lacrymogènes, un gyrophare, un chargeur, quatre détonateurs pyrotechniques, un cutter, un chalumeau, de nombreuses cartes bancaires, deux téléphones, 240 euros, la carte d'identité et la carte vitale de Amedy Coulibaly».