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Terroristes : être ou ne plus être français

Les «sages» répondent ce vendredi à la QPC d’un Franco-Marocain condamné en 2013.
Au Conseil constitutionnel, en 2010. (Photo Sébastien Calvet)
publié le 22 janvier 2015 à 19h56

Le Conseil constitutionnel rend ce vendredi sa décision concernant une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) contestant la déchéance de la nationalité française du Franco-Marocain Ahmed Sahnouni el-Yaacoubi, condamné pour faits de terrorisme en 2013. Cette décision, qui pourrait faire jurisprudence, a une résonance toute particulière dans un contexte où le gouvernement entend faire preuve de fermeté face au terrorisme.

Deux semaines après les attentats de Charlie Hebdo et de l'épicerie casher, Manuel Valls a évoqué mercredi la future décision du Conseil constitutionnel dans une allocution devant la presse. Il estime qu'«une question légitime se pose sur les conséquences auxquelles on s'expose quand on décide de s'en prendre à la nation à laquelle on appartient, soit parce qu'on y est né, soit parce qu'elle vous a accueilli». La déchéance de nationalité est régulièrement brandie à droite et au Front national. Mercredi, Nicolas Sarkozy, invité du journal de 20 heures de France 2, s'est dit favorable à cette mesure utilisée pour la première fois par la gauche à l'encontre du Franco-Marocain.

Binationales. Cette procédure reste toutefois rarissime. Elle concerne uniquement les personnes binationales ayant acquis la nationalité française et condamnées pour «un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme».

Ahmed Sahnouni, 45 ans, s'est vu retirer la nationalité française le 28 mai par un décret signé par Manuel Valls et le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve. La décision n'avait pas été médiatisée à l'époque. Ahmed Sahnouni avait été naturalisé en 2003, puis condamné en mars 2013 à sept ans de prison pour «association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste». Libérable fin 2015, il a soulevé une QPC pour contester cette déchéance.

Utilisée huit fois depuis 1973, il s’agit du premier cas où une telle décision est portée devant le Conseil constitutionnel depuis l’entrée en vigueur de la QPC en 2006.

«Il ne faudrait pas que le gouvernement généralise ce type de procédure. Cela doit rester exceptionnel», souligne Serge Slama, spécialiste du droit public et des droits des étrangers. Il juge la mesure «inefficace» contre le terrorisme. «Il s'agit juste d'une sanction qui vient s'ajouter à la prison. C'est plus symbolique qu'autre chose, estime-t-il. On considère que quelqu'un a commis un crime tellement important qu'il ne mérite plus d'être français.»

Devant le Conseil, l'avocat d'Ahmed Sahnouni, Me Nurettin Meseci, avait plaidé il y a dix jours «la rupture d'égalité entre Français de naissance et Français naturalisés», introduite, selon lui, par ce texte. Une approche partagée par Serge Slama : «Il ne peut y avoir deux sortes de Français. Etre français ne signifie pas qu'on adhère à une série de dogmes. On peut être musulman et islamiste et être français.»

Indignité. Dans son allocution mercredi, Manuel Valls a indiqué qu'il proposerait «une réflexion transpartisane» sur la réactivation de la peine d'indignité nationale pour les Français de naissance. Plus question, en ce cas, de déchéance de nationalité, mais d'un retrait de droits civiques pour certains condamnés. «Ça existe déjà dans la loi», souligne Serge Slama, mettant en garde sur une «une notion souvent floue et extrêmement imprécise». Pour que la Cour européenne des droits de l'homme l'admette, «il faut préciser la définition de ce qu'est l'indignité nationale. Cette mesure ne doit pas être rétroactive et la sanction doit être individualisée. Il faut faire du cas par cas».