Menu
Libération

Déchéance de nationalité : le Conseil constitutionnel pose des limites

publié le 23 janvier 2015 à 20h06

La décision était attendue de pied ferme par le gouvernement, qui envisage un recours accru à la déchéance de nationalité et s'interroge sur la question de l'indignité nationale. Deux jours après l'allocution de Manuel Valls, le Conseil constitutionnel a rejeté, vendredi, la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) contestant la déchéance de la nationalité française du Franco-Marocain Ahmed Sahnouni el-Yaacoubi, condamné pour terrorisme en 2013. «Le Conseil constitutionnel a repris mot pour mot la décision de 1996, estime Me Nurettin Neseci, l'avocat d'Ahmed Sahnouni. Il grave dans le marbre le fait qu'il y a désormais deux catégories de Français : les Français de naissance et les naturalisés.»

Un copier-coller de la jurisprudence de 1996 ? Patrice Spinosi, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, nuance : «La décision du Conseil est importante. Elle émet des réserves, dans un climat où l'on pourrait se laisser aller à des dérives.» Les «sages» ont en effet précisé les critères d'application de la déchéance de nationalité. Tout d'abord, ils confirment que la mesure ne concerne que les binationaux. De plus elle ne peut s'appliquer que dans les quinze ans qui suivent l'obtention de la nationalité. Au-delà, pas de déchéance possible, sinon il y aurait «une rupture d'égalité entre les Français», juge le Conseil. Autre condition posée par les «sages» : la mesure doit être confinée aux seuls crimes et délits de terrorisme.

Des restrictions qui ne rassurent pas Me Nurettin Neseci. «On va vers des déchéances à tour de bras. Il faut clarifier la notion de délit de terrorisme», s'inquiète l'avocat. Il craint que le gouvernement ne prive de leur nationalité française «les personnes récemment condamnées pour apologie du terrorisme» pour avoir approuvé les faits commis par les frères Kouachi ou Amedy Coulibaly. «Les personnes concernées sont peu nombreuses et ne représentent qu'une infime partie du problème terroriste», estime au contraire Patrice Spinosi. Une généralisation lui semble peu probable. Il redoute en revanche «les dispositions d'exception, prises sous le coup de l'émotion. Le risque est que l'on déchoie des personnes pour d'autres types de condamnations», dit-il. Pour être définitive, la déchéance d'Ahmed Sahnouni doit encore être validée par le Conseil d'Etat.