Les hommes qui invectivent les femmes dans la rue à base de «hey ma jolie» ou de «sale pute» – c'est selon – se le permettraient-ils si ces femmes étaient leur mère ? C'est la question que pose une campagne publicitaire réalisée par une marque new-yorkaise, au Pérou, et qui met en scène des femmes, pomponnées, perruquées et habillées différemment de leur habitude afin de ne pas être reconnues. Elles se baladent devant leur fils, harceleur notoire. A tous les coups, ça ne manque pas : les fils balancent une grossièreté à leur mère, lesquelles retirent leur perruque et leur envoient une volée de bois vert, à base de «ce n'est pas comme ça que je t'ai éduqué».
La campagne, réalisée à partir de réels témoignages, a beau être tournée par des comédiens, le message est efficace : à chaque fois, les hommes qui ont harcelé par erreur leur mère (mais cela pourrait aussi bien être leur sœur ou leur cousine) se défendent, passant de l'agression («Est-ce que papa sait que tu t'habilles comme ça ?») à la contrition.
Si l'idée est drôle, elle pose néanmoins plusieurs problèmes de fond, relève Cécile Dehesdin, journaliste à Slate.fr. D'abord, pourquoi ne s'interroger que sur le rôle de la mère dans l'éducation au respect des femmes, et pas sur le rôle du père ? Ensuite, éduquer au respect des femmes sur le mode «parlerais-tu à ta mère comme ça ?» ou «qu'en penserais-tu si cela arrivait à ta sœur ?» revient à objectifier les femmes en ne les positionnant que par rapport à un homme (mère, sœur, fille, cousine) et pas comme des êtres libres en tant que tels. «Le sexisme n'est pas à éradiquer à cause de ce que le fils, frère, mari ou père d'une femme peut ressentir, mais à cause de ce que ladite femme ressent et subit», écrit ainsi la journaliste.