Le Syndicat de la magistrature a jugé ce jeudi «extrêmement inquiétante» la proposition de Christiane Taubira d'introduire les injures racistes, antisémites et homophobes dans le code pénal. Dans un communiqué publié le 16 janvier sur le site du ministère de la Justice, la garde des Sceaux annonçait en effet son intention de «sortir les injures et diffamations du droit de la presse – loi 29 juillet 1881 – pour les introduire dans le code pénal lorsqu'elles sont aggravées par une circonstance liée au racisme, à l'antisémitisme, à l'homophobie». Et d'expliquer qu'«ainsi, les infractions de ce type pourront être poursuivies selon la procédure de droit commun», permettant à la réponse pénale de «gagner en efficacité».
Conséquence d’une telle évolution : comme dans le cas de l’apologie du terrorisme, entrée dans le code pénal en novembre dernier, les injures racistes, antisémites et homophobes pourraient désormais faire l’objet d’une comparution immédiate et de peines alourdies.
Aux yeux du syndicat de la magistrature, la loi actuelle est «équilibrée» et «rappelle qu'une société démocratique ne peut condamner pénalement l'usage de la parole sans dresser de solides garde-fous contre la censure». C'est pourquoi la procédure dans le cas de propos racistes ou antisémites est «complexe et protectrice des personnes poursuivies, en imposant un court délai de prescription, en exigeant une attention particulière aux termes et à l'articulation de la saisine du tribunal et en excluant le recours aux expédients de la comparution immédiate». Mais, ajoute le syndicat, «elle assure aussi la sanction efficace des injures, diffamations et autres délits de presse en organisant un régime large de responsabilité en cascade».
Une autre proposition de la ministre inquiète ces magistrats : «Confier à l'autorité administrative la possibilité de bloquer les sites et messages de haine raciste ou antisémite.» «Dangereux accroissement des pouvoirs préventifs d'une administration que l'on ferait juge de ce qu'il est licite de dire, périlleuse accélération d'une réponse qui mérite un débat judiciaire, public et maîtrisé», répond l'organisation.