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Libération

Affaire Bettencourt : le «naïf» Banier relègue le testament au second plan

L'affaire Bettencourtdossier
Face au tribunal, le photographe mondain s’est dit «ulcéré» d’avoir été fait légataire universel de l’héritière en 2007.
François-Marie Banier à Bordeaux, le 28 janvier (Photo Medhi Fedouach. AFP)
publié le 3 février 2015 à 20h06

François-Marie Banier est une victime. De «pieds nickelés», de «dingues», de «menteurs», tous coalisés pour le faire passer à l'insu de son plein gré pour le légataire universel, voire le fils adoptif, de Liliane Bettencourt. Fidèle à son personnage, le photographe mondain ne fait pas dans la demi-mesure. Le tribunal examinait mardi le fond des fonds : savoir si, outre les diverses prodigalités de la milliardaire, Banier n'aurait pas tenté de récupérer le tout de l'héritière de L'Oréal.

«Vipères». Il est d'abord question d'un testament, signé en décembre 2007, par lequel Liliane fait de François-Marie son légataire universel, trois semaines après le décès de son mari, André. FMB s'insurge : «J'avais assez d'argent comme ça. C'est elle qui voulait.» Laissons-le camper le décor : «Madame Bettencourt était ivre de rage contre sa propre famille, ce "nœud de vipères" selon elle. C'est ce qui a fait déraper les choses entre nous. J'étais ulcéré, lui disant que je n'avais pas vocation de punching-ball entre elle et sa fille. Liliane m'a répondu : "Ils m'emmerdent, je les emmerde."»

Le notaire de la famille Bettencourt, Me Jean-Michel Normand, également poursuivi, confirme la rage de la milliardaire, en cet «acte de violence envers sa fille». Il raconte une autre anecdote, à propos de bijoux de famille que Liliane voulait soustraire à son héritage. Lui : «Vous n'avez pas le droit de faire ça.» Elle : «Alors je les jette par la fenêtre, il y aura bien quelqu'un pour les ramasser.» Le tribunal prend note mais s'étonne. Une révision testamentaire réalisée en quelques heures, entrecoupée d'un déjeuner entre la milliardaire et son dandy, lequel impose un avocat et un notaire de ses relations : «Ce sont vos proches.»

Banier campe le neuneu sourd aux problématiques juridico-financières. «J'en ai parlé à Liliane, elle m'a dit : "Allez-y." C'est sur cette ambiguïté que les choses ont dérapé, pour elle comme pour moi.» En marge de cette «légation universelle» express, il fut aussi question d'adoption. Simple conjecture suggérée par un juriste proche de Banier comme l'une des solutions envisageables dans le cadre d'un «exposé général», selon lui. Le mondain s'insurge derechef : «Il n'en a jamais été question, ni moi ni Mme Bettencourt n'avons ce genre de relation.» L'un des juristes «pieds nickelés» confirme toutefois que son obsession était de «sécuriser» les largesses de la milliardaire.

C'est cette rumeur d'adoption qui a poussé Françoise Meyers-Bettencourt, fille de Liliane, à porter plainte quelques semaines après la signature du testament controversé. Et c'est encore cette plainte qui a poussé Banier à renoncer au statut de «légataire universel» trois ans plus tard, en décembre 2010.

Va-vite. Me Normand, qui, dans son étude, avait aussitôt qualifié ce testament de «connerie», mettra autant de temps à retrouver son ardeur déontologique. FMB va revenir dans les clous tardivement.

Le tribunal s'interroge toutefois sur un précédent, début 2007. Un «mandat de protection future» est mis en place par des hommes de FMB, les rétroactifs «pieds nickelés» : il s'agit de parer une éventuelle mise sous tutelle de Liliane Bettencourt, de prendre les devants en désignant un mandataire, au cas où - un médecin de la connaissance de Banier, fatalement.

Son mari, André, est encore vivant mais curieusement évincé du dispositif, qui ne mentionne que le nom de jeune fille (Schueller) de son épouse. Là encore, le document judiciaire a été rédigé à la va-vite, sous couvert de «sécurisation» des donations en faveur de François-Marie Banier. Lequel campe à nouveau le désintéressé, se contentant de mettre des gens en relation : «Cela ne m'apportait rien, juste des emmerdements.» Avant de dévoiler le but de la manœuvre, selon des propos qu'il prête à Liliane Bettencourt : «Je ne veux pas tomber dans les griffes de ma fille.»

Le tribunal, «étonné» par tant de manigances, réserve son jugement pour plus tard.