Dans une tribune publiée dans Libération, un professeur de philosophie, Soufiane Zitouni, critique violemment le lycée Averroès, un établissement privé musulman, sous contrat avec l'Etat, près de Lille.
Il y enseignait depuis septembre dernier, et vient de démissionner. «Les responsables de ce lycée jouent un double jeu avec notre République laïque : d'un côté montrer patte blanche dans les médias pour bénéficier d'une bonne image dans l'opinion publique et ainsi continuer à profiter des gros avantages de son contrat avec l'Etat, et d'un autre côté, diffuser de manière sournoise et pernicieuse une conception de l'islam qui n'est autre que l'islamisme, c'est-à-dire, un mélange malsain et dangereux de religion et de politique», écrit-il. Un coup dur pour l'un des rares établissements privés musulmans reconnus par l'Etat. Décryptage.
Y a-t-il beaucoup d’établissements musulmans en France ?
En France, l’enseignement privé musulman représente très peu au regard des 9 000 établissements privés catholiques sous contrat et environ 130 écoles juives. Seuls deux établissements sont sous contrat, c’est-à-dire financés par l’Etat : le lycée Averroès de Lille, et le lycée Al-Kindi de Décines, en banlieue lyonnaise. (1)
Ces dernières années, des établissements privés confessionnels musulmans ont essayé d'ouvrir un peu partout en France, sans contrat. Le site d'information Al-Kanz en répertoriait 51 en octobre, dont une bonne partie toujours à l'état de projet, en attente de financements. Aujourd'hui, la plupart de ces établissements sont de petites, voire microscopiques, écoles, qui ont pu récolter quelques dons de fidèles pour financer une petite équipe pédagogique. Un établissement privé ne peut en effet passer un contrat avec l'Etat qu'après cinq années d'existence… Ce qui complique beaucoup l'arrivée de nouveaux entrants.
A quoi sont tenus les établissements sous contrat ?
Pour les établissements privés, l'avantage du contrat est surtout financier. L'Etat prend entièrement en charge la rémunération des professeurs, «qui ont réussi des concours analogues à ceux de l'enseignement public», précise le site du ministère. Les collectivités locales, elles, ont l'obligation d'entretenir les bâtiments et de financer les activités périscolaires au même titre qu'elles le font pour les établissements publics. En contrepartie, les établissements respectent les programmes définis par l'Education nationale, se plient aux horaires. Ils doivent aussi «accueillir les enfants sans distinction d'origine, d'opinion ou de croyance».
A quelle demande correspondent ces écoles ?
Aujourd’hui, dans les quartiers populaires, de nombreux élèves de confession musulmane fréquentent le privé catholique, répondant aux stratégies d’évitement des classes moyennes vis-à-vis des établissements publics. Dans certains départements, comme en Seine-Saint-Denis, les établissements catholiques privés accueillent parfois une majorité d’enfants de familles athées ou musulmanes (puisque les établissements sous contrat étant tenus d’accueillir les élèves sans distinction de religion). Mais aujourd’hui, cet enseignement privé catholique refuse des élèves, faute de place, dans les secteurs les plus tendus.
A cette demande simplement de «privé», s’est rajoutée une demande liée à la loi de 2004 sur l’interdiction des signes religieux à l’école. Les établissements privés, en pouvant édicter leurs propres règlements intérieurs, peuvent en effet y déroger et permettre, par exemple, aux élèves de garder leur voile. Ce développement récent d’écoles confessionnelles musulmanes répond à une volonté plus large de certaines familles musulmanes de bénéficier d’un enseignement confessionnel, au même titre que les catholiques et les juifs. Et parfois de répondre à des demandes spécifiques, interdites dans le public laïc. Elles vendent par exemple presque toujours le fait de proposer une cantine totalement halal, voire, pour certaines, surfent sur la polémique de refus de la «théorie du genre».
Ces établissements ont des rapports assez variables avec leur confession. Certains affichent des positions très traditionalistes, d’autres un «islam des lumières» ou simplement une double culture de langue – beaucoup proposent un enseignement bilingue français-arabe. Ce sont parmi ces dernières, plus modérées, que l’on retrouve des établissements reconnus sous contrat.
(1) Le ministère de l'Education n'a pas pu à cette heure confirmer cette information.