Prolonger «l'esprit du 11 janvier», c'est la formule employée par François Hollande lors de sa conférence de presse, jeudi. Sans attendre l'invitation présidentielle, la mairie de Rennes est passée à l'action. Dès le 14 janvier, les archives ont organisé une collecte de tous les messages, banderoles, crayons et autres objets laissés par les passants au mémorial improvisé de la place de la mairie.
Une idée de la maire socialiste, Nathalie Appéré : «Comme dans de nombreuses villes, l'émotion a été très forte après les attentats. Les gens se sont rassemblés dès la soirée du 7 janvier, place de la mairie, et ont commencé à déposer des petits mots et des dessins. C'est rapidement devenu un lieu de recueillement, un vrai mémorial improvisé. C'était complètement spontané et on s'est dit fallait qu'on garde tous ces objets pour conserver une trace, qu'on sauve ce qui pouvait l'être. C'est un moment qui restera dans l'histoire.»
«Des bougies, des fleurs, des crayons, même des vêtements»
Une fois la décision prise, il faut agir vite. C'est donc le branle-bas de combat aux archives. Il a déjà plu depuis le 11 janvier et des averses sont annoncées pour les jours suivants. Les documents sont détrempés et beaucoup ne pourront pas être sauvés. «Nous avons tous été surpris et émus devant le mémorial. Il y avait tellement de choses : des bougies, des fleurs fraîches, des dizaines de crayons, même des vêtements. Des anonymes avaient acheté des pochettes plastiques pour que les messages ne prennent pas l'eau. Ensuite, ils les ont accrochés à leurs fenêtres ou à des fils», raconte Marie Penlaë, archiviste en charge de la collecte.
Résultats ? Plus de 650 objets ramassés en une heure. Mais tout est gorgé d'eau. Les archivistes doivent séparer les dessins, les aplatir et les isoler. Quotidiennement, il faut retourner chaque feuille, chaque carton pour éviter que des moisissures n'apparaissent sur les 250 mètres de rayonnage. Romain Joulia, directeur des archives de Rennes, commente : «C'est un épisode qui va rester à part pour les archivistes qui ont participé à la collecte. Un jour unique pendant leur carrière. D'habitude, nous travaillons sur des documents administratifs, des registres qui sont dans un bon état de conservation. Là, nous avons dû mener une réflexion de fond.»
«Merci les potaches, d’avoir éveillé les consciences»
On découvre alors une multitude de slogans, des lettres, des caricatures, des poèmes, des rébus… On peut y lire le fameux «Je suis Charlie», mais aussi «Merci les potaches d'avoir éveillé les consciences». «Il y a même des gens qui ont écrit des cartes postales en laissant, leur nom, adresse et numéro de téléphone. C'est la preuve que les gens sont dans un esprit de revendication», relate Marie Penlaë.
Après ce sauvetage, une nouvelle phase s'amorcera mi-février, celle du nettoyage qui pourrait durer deux mois. Beaucoup de boue et de cire recouvrent les messages. Ensuite, le résultat de la collecte sera mis à disposition des citoyens mais aucune exposition n'est prévue pour le moment. «L'idée, c'est que chacun se saisisse du matériau pour laisser la place aux initiatives citoyennes. Nous accompagnerons avec plaisir les projets des uns et des autres mais nous ne voulons pas intervenir en premier», explique la maire de Rennes. D'ailleurs, un ethnologue a déjà signalé au ministère de la Culture qu'il voulait étudier ces documents.