Al’écart des caméras, le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, a rencontré samedi dans un café de Lunel (Hérault) Rachid Belhaj, le président de l’association dirigeant la mosquée de la ville. Le sujet de la discussion : les causes du départ pour le jihad en Syrie d’une vingtaine de jeunes de cette commune de 27 000 habitants classée depuis 2012 en zone de sécurité prioritaire (ZSP). Six d’entre eux y sont morts en octobre et décembre.
Inspirateurs. Fin janvier, dans le cadre d'une enquête sur une filière jihadiste vers la Syrie, cinq personnes ont été interpellées dans la ville (lire Libération du 10 décembre). Auparavant, Bernard Cazeneuve avait assisté à une réunion rassemblant les responsables de la police et de la gendarmerie du département. Après Nice (Alpes-Maritimes) et un mois jour pour après la tuerie de Charlie Hebdo à Paris, le ministre de l'Intérieur, accompagné de la secrétaire d'Etat chargée de la Politique de la ville, Myriam El Khomri, était à Lunel «pour rencontrer directement la population et les autorités locales confrontées au phénomène jihadiste».
Agés de 18 à 40 ans, les jihadistes lunellois partis en Syrie, pour certains d’entre eux avec femme et enfants, se sont structurés autour d’un petit noyau d’amis. Chômage, retours récents à la religion ou conversions parfois précédés de faits de petite délinquance : tels sont les premiers éléments caractérisant ce groupe dont les autorités cherchent à déterminer les éventuels inspirateurs.
Travail de fond. Quelques habitants de la ville ont interpellé le ministre à la sortie de son allocution donnée devant un parterre d'associatifs et d'institutionnels. «Je viens vous demander de bien faire le ménage à Lunel. Les terroristes ont sali l'islam, c'est pas ça l'islam», lui a déclaré une mère de famille accompagnée de son fils de 2 ans. «Qu'on arrête d'être discriminés. On n'est pas tous des bandits», a ajouté, plus amer, un jeune homme.
La réponse sécuritaire et policière est certes «incontournable», mais elle doit s'accompagner d'un travail de fond sur le «terreau» économique et social sur lequel prospère le jihadisme, estime Jacques Venuleth, président de la section locale du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (Mrap). Myriam El Khomri a promis que Lunel «bénéficierait d'un programme régional de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine dans le cadre du contrat de plan Etatrégion».
Par ailleurs, dimanche matin, six personnes soupçonnées d’appartenir à une filière jihadiste ont été interpellées dans les régions de Toulouse et d’Albi. Elles sont soupçonnées de transferts de fonds douteux et d’avoir recruté des candidats au jihad. Les enquêteurs cherchent également à vérifier si certaines d’entre elles se sont rendues en Syrie.