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Libération
Au rapport

Le CCIF pointe une augmentation de l'islamophobie après les attentats

Le collectif contre l'Islamophobie a recensé une augmentation de 70% des actes islamophobes en janvier 2015, par rapport à la même période en 2014.
Des gendarmes surveillent les abords de la mosquée de Poitiers le 12 janvier, après une tentative présumée de l'incendier. (Photo Guillaume Souvant. AFP)
publié le 11 février 2015 à 15h46

L'invitation du CCIF (collectif contre l'islamophobie en France) à la conférence de presse de présentation de son rapport annuel donne le ton du moment. Il est expressément stipulé aux journalistes confirmant leur présence de ne pas diffuser l'adresse des locaux de l'association dont le local, situé à Saint-Ouen, n'a pas pignon sur rue.

Il ne fait pas bon être musulman en France, rappelle, chiffres à l'appui, le nouveau rapport du CCIF. Et particulièrement en ce début d'année post-attentat où, pour la même période, l'organisme a recensé une augmentation de 70% des actes islamophobes par rapport à 2014. «Nous constatons depuis une dizaine d'années une islamophobie structurelle qui n'a fait que se renforcer. Mais les attentats ont créé une forme d'hystérie sur ce terrain déjà très favorable», explique Elsa Ray, la porte-parole du CCIF.

Entre 2013 et 2014, l'augmentation mesurée par l'association a été de 10%, avec 764 actes recensés en 2014, contre 691 en 2013. Ces chiffres ne prétendent pas représenter l'impossible photographie d'un phénomène diffus et par essence non mesurable, mais ils constituent un baromètre parmi d'autres. Or, les différents baromètres disent la même chose. Les statistiques de plaintes du ministère de l'Intérieur et celles de l'Observatoire de l'islamophobie, organe dépendant du CFCM (conseil français du culte musulman), font en effet le même constat de hausse.

Le CCIF utilise une méthode particulière : ses chiffres regroupent les cas qui lui sont directement signalés mais aussi ceux dont l'association a connaissance par la presse. Dans le détail, l'écrasante majorité est constituée par des discriminations (586 cas), une centaine relève de «discours et/ou de propos» islamophobes. Le reste se partage entre dégradations et profanations (25 cas), agressions verbales (28 cas), et agressions physiques (22 cas). Une constante : plus de 80% des cas recensés concernent des femmes. Très peu donne lieu ensuite à des plaintes. «Très peu sont aussi relayés par la presse», regrette Elsa Ray, «surtout lorsque cela touche aux personnes». Selon l'association, les atteintes aux biens, notamment aux mosquées, sont assez bien relayées, contrairement aux agressions et discriminations.

«Il y a une méfiance de la population musulmane vis-à-vis des médias, mais aussi de la police. D'où la difficulté des victimes à faire part des problèmes qu'ils rencontrent, et encore plus à porter plainte.», explique Elsa Ray, porte-parole du CCIF. «C'est un problème que rencontrent toutes les victimes de racisme et de discriminations quelles qu'elles soient mais qui a une dimension particulière chez les musulmans. Notamment parce que l'islamophobie a encore du mal à être reconnue», ajoute Lila Charef, la responsable juridique de l'association. Les deux femmes remarquent cependant que les choses ont évolué ces dernières années. «Le président de la République a récemment parlé d'islamophobie, c'est important qu'il prononce le mot», note Lila Chareb. De fait, il y a encore un an, les politiques et particulièrement le gouvernement, ainsi qu'une bonne partie des associations antiracistes, réfutaient l'emploi même du terme. La presse aussi prenait des pincettes, généralement via l'emploi systématique de guillemets pour l'enrober. Des préventions qui sont tombées, se félicite le CCIF.

Pour autant, les évolutions, selon l'association, demeurent largement insuffisantes. Notamment en ce qui concerne «le racisme antimusulmancontre les enfants qui reste très largement sous-traité», «alors même qu'il y a eu un quasi-harcèlement judiciaire contre les enfants qui créent des incidents suite aux attentats», explique Elsa Ray. Le CCIF fait office de tête de pont pour prendre la défense des trois cas d'enfants ayant été convoqués dans des commissariats. Notamment le petit Ahmed, 8 ans, sur qui le CCIF mène une énorme campagne. Après avoir diffusé une vidéo où l'enfant, puis son père, racontent leur version des faits, en totale contradiction avec celle de la direction de l'école (elle-même immédiatement soutenue par la ministre de l'Education nationale), le CCIF a récolté en quelques jours plus de 25 000 signatures de soutien.