Est-ce la fin de l'adoption internationale ? Une étude publiée ce mercredi par l'Institut national d'études démographiques (Ined) fait état d'un déclin de l'adoption internationale au niveau mondial. Selon Jean-François Mignot, auteur de l'étude et membre du groupe d'étude des méthodes de l'analyse sociologique de la Sorbonne (Gemass), ces dix dernières années, le nombre d'enfants adoptés à l'international a chuté de près de deux tiers. En 2004, plus de 40 000 mineurs étaient adoptés. Ils ne sont plus que 15 188 en 2013. Le même niveau du «tout début des années 80». En France, cette baisse est de 67%. Décryptage en trois points.
Pourquoi un tel déclin ?
Jean-François Mignot, démographe, pointe essentiellement des raisons «structurelles, démographiques ou économiques». «La baisse de la mortalité et la hausse du niveau de vie des pays traditionnellement d'origine des adoptés internationaux réduisent le nombre d'orphelins», note le chercheur. La diffusion de la contraception et de l'IVG est aussi à l'origine de la réduction du nombre de grossesses non désirées et des abandons d'enfants. Autre facteur ? La hausse du niveau de vie. Celui-ci permet aux pouvoirs publics de développer des politiques familiales et sociales d'aide aux mineurs abandonnés et favorise ainsi l'essor des adoptions nationales. «Au total, relève l'étude, le nombre de mineurs confiés à l'adoption internationale se réduit. En conséquence, les pays d'origine peuvent se permettre de refuser un grand nombre de candidats.» Ou de durcir leurs conditions d'adoption pour les ressortissants étrangers. Depuis 2006, la Chine exige des parents aspirants à l'adoption qu'ils soient en couple hétéro, mariés, détenteurs du bac, qu'ils travaillent et ne souffrent pas d'obésité pathologique.
Ce déclin est-il dans l’intérêt des enfants ?
Au fil de son essor, l'adoption internationale a de plus en plus été encadrée juridiquement, notamment pour lutter contre le trafic d'enfants. Plus de 90 pays ont ainsi ratifié la convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale ou ont instauré des moratoires à l'instar du Guatemala ou de l'Ukraine, qui figuraient parmi les dix principaux pays d'origine des enfants adoptés. Désormais, une part croissante des mineurs confiés à l'adoption internationale sont des «enfants à besoins spécifiques». C'est-à-dire, «relativement âgés, en fratrie ou handicapés physiques ou mentaux». «Dans quelle mesure» se demande le chercheur, «est-il dans l'intérêt des enfants de plus en plus âgés d'être encore adoptés à l'international, alors même qu'ils ont une longue expérience de leur pays d'origine ?» Pour le démographe, il faudra aussi vérifier si ce recul est effectivement compensé par la hausse des adoptions nationales, «plus propices à l'épanouissement des enfants», ou si elle va de pair «avec une hausse du nombre de mineurs élevés en institution».
Et en France ?
Si elle est loin derrière les Etats-Unis qui concentrent 50% des adoptions à l'international, la France est le deuxième pays «adoptant» au monde, suivie par l'Espagne, l'Italie et l'Allemagne. L'étude souligne que «le nombre des adoptions internationales a augmenté des années 70 jusqu'au milieu des années 2000, passant de 971 à 4136 entre 1978 et 2005». Dans les années 2000, 83% des adoptés en France étaient des adoptés internationaux. En 2013, un tiers des enfants adoptés étaient «à besoin spécifiques». En France, comme dans les autres pays d'accueil, le nombre de candidats à l'adoption, qu'ils soient en couple ou en solo, lui, n'a pas baissé. Ce qui ne sera pas sans conséquences pour Jean-François Mignot : «Au niveau mondial, l'adoption internationale va rester à un niveau très faible. On peut s'attendre à une augmentation des demandes de procréation médicalement assistée ainsi que de gestation pour autrui.»