«Comme disent les Suisses, j'ai mis le feu au lac» : difficile de ne pas déceler chez Roland Dumas, ce lundi après-midi sur France 24, un semblant de satisfaction. Son «probablement», répondu le matin même à Jean-Jacques Bourdin qui lui demandait sur BFM TV si Manuel Valls est «sous influence juive», a suscité un tollé.
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On aurait été étonné du contraire : à 92 ans, l'ancien ministre des Affaires étragères de François Mitterrand ne regrette rien, et surtout pas ce qui s'est produit quelques heures plus tôt. D'abord, rappelle-t-il, «l'expression était dans la question» de Bourdin, il n'a fait que répondre par l'affirmative. Bon, dans sa tête, la question s'est au passage transformée en «est-ce que Manuel Valls subit l'influence du gouvernement israélien ?» Le présentateur de France 24, Sylvain Attal, lui rappelle donc que la question était «Manuel Valls est-il sous influence juive ?»
Oui, enfin, «je pense que nous sommes dans un régime de libertés», enchaîne Dumas, rappelant que «beaucoup de gens se sont mobilisés pour dire qu'on a le droit de dire ceci, on a le droit de dire cela. Eh bien moi, je le dis.» Quoi ? En fait, il ne le redit pas.
Mais à ceux qui l'accusent d'antisémitisme, il rétorque : «Vous voyez de l'antisémitisme partout. Vous croyez que je suis le seul à penser et dire ce que je dis ? On me pose une question, si je réponds "bien sûr que non", personne ne me croira, et moi-même je ne me croirai pas.»
Mais au présentateur de France 24 qui lui demande si, tout de même, on peut être juif sans être inféodé à Israël, il répond : «Bien sûr !» Quant à ses liens avec l'extrême droite, attestés par des photos de lui en compagnie de Dieudonné, Alain Soral et Bruno Gollnisch : «Gollnisch, je ne le connais pas.» Et puis, sur ces photos : «Pourquoi vous remarquez toutes ces choses et pas d'autres ?»
«Faire dire à celui qui est en face de moi ce qu’il pense»
Quant à l'autre protagoniste de l'affaire, Jean-Jacques Bourdin, critiqué pour avoir lui-même mis dans la bouche de Roland Dumas l'expression «influence juive», il a réagi auprès du site Puremedias.com en défendant son «métier» : «Je l'ai poussé, je l'ai senti, je l'ai conduit. Je savais ses positions antérieures, mais je voulais qu'il le dise, qu'il se dévoile. Il n'est pas le seul à penser ça, d'autres le pensent aussi. Poser la question, ça ne veut pas dire que je le pense ! Mon rôle est de faire dire à celui qui est en face de moi ce qu'il pense.» Et de se montrer serein vis-à-vis du fait que le CSA a indiqué s'être emparé de la question.
En réponse à un tweet d'un élu UMP qui pointait le rôle de Jean-Jacques Bourdin dans les propos de Roland Dumas, l'intervieweur ayant selon lui «incité aux propos antisémites», le Conseil supérieur de l'audiovisuel a en effet indiqué sur Twitter qu'il «instrui[sai]t un dossier».
@dxweiss @JJBourdin_RMC. Le CSA instruit un dossier.
— CSA (@csaudiovisuel) February 16, 2015
Contacté par Libération, le CSA s'est borné à préciser que le dossier serait instruit par le groupe de travail «Respect des droits et libertés» présidé par Nicolas About. Son rôle sera de déterminer dans quelle mesure Jean-Jacques Bourdin a ou n'a pas poussé Roland Dumas à tenir ses propos, et a ou n'a pas tenu son antenne une fois ceux-ci prononcés.