Cinquante-cinq anciens salariés du site Alstom de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) ont demandé mardi réparation à leur ancien employeur, au titre du préjudice d'anxiété, pour avoir été «délibérément exposés» selon eux à l'amiante au cours de leur carrière. Devant le conseil de prud'hommes de Bobigny, ces ex-salariés, employés de l'usine Alstom-Areva transformateurs de Saint-Ouen (TSO) jusqu'à sa fermeture en 2006, ont réclamé chacun 15 000 euros de dommages et intérêts à l'entreprise, disant craindre de développer des maladies graves à cause de leur ancien travail.
«Depuis des années, on voit des anciens copains d'usine qui tombent malades, parfois qui décèdent. Forcément, on est inquiets», a expliqué Bernard Balestri, de l'Association des anciens salariés d'Alstom TSO, à l'origine de cette procédure. «On faisait le même travail, on était dans les mêmes locaux... On a une épée de Damoclès au-dessus de la tête, c'est difficile de ne pas y penser», ajoute ce retraité de 63 ans, employé à Saint-Ouen entre 1982 et 2006.
Selon l'association, six anciens salariés sont décédés ces dernières années d'un cancer lié à leur exposition à l'amiante. Une vingtaine d'autres ont contracté des maladies imputables à une contamination, comme des plaques pleurales ou des asbestoses. «Dans le cancer de l'amiante, en cinq ans, le taux de survie est de 1%», une fois qu'il s'est déclaré, a rappelé l'avocat des demandeurs, Me Patrice Moehring.
Mettant en avant la «complexité» du dossier, l'avocate d'Alstom, Me Magali Thorne, a assuré que l'entreprise avait «pris des mesures» dès les années 1990 «contre les problèmes d'amiante». «Nous ne sommes pas restés les bras ballants», a assuré l'avocate, en demandant au tribunal de prendre en compte le parcours et le profil de chacun des anciens salariés, au lieu de prendre une décision globale. «Je ne crois pas qu'on puisse admettre qu'une personne passée dans un établissement classé amiante soit automatiquement en position de réclamer un préjudice d'anxiété», a-t-elle fait valoir.
Le tribunal a mis sa décision en délibéré au mardi 12 mai. L’usine Alstom-Areva TSO, qui fabriquait des transformateurs électriques, a compté jusqu’à 1 200 salariés dans les années 1970, avant sa fermeture en 2006. L’endroit a été classé en 2011 sur la liste des sites amiantés. En 2000, un ancien responsable de l’usine, Pierre Krieger, avait été condamné à une forte amende par le tribunal correctionnel de Bobigny pour avoir exposé ses employés au danger de l’amiante. En novembre, 104 anciens salariés d’une autre usine d’Alstom, à Saint-Florent (Gard), ont obtenu des prud’hommes d’Alès 13 000 euros de dédommagement dans une affaire similaire. Alstom a fait appel.