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Libération

Mais où sont donc passés les millions ?

Yacht, villa, jet privé, comptes à Monaco… De 2008 à 2013, Bernard Tapie a flambé l’argent de l’arbitrage.
publié le 17 février 2015 à 20h06

Des 403 millions d'euros octroyés en juillet 2008 par la sentence arbitrale, Bernard Tapie aura perçu, en net (après déduction de diverses créances bancaires, fiscales ou autres), 278 millions versés par ses liquidateurs judiciaires. Ils ont été formellement saisis par la justice, lors de sa mise en examen en août 2013, en prévision d'une éventuelle confiscation en cas de condamnation définitive pour «escroquerie en bande organisée».

Qu'a-t-il fait du pactole ? Il a ouvert des comptes bancaires, pour 30 millions d'euros, à Monaco (UBS et Société générale) ou Singapour (HSBC). Souscrit des assurances-vie pour 200 millions (dont 180 chez Sogelife au Luxembourg). S'est offert un yacht, le Reborn, au nom d'une coquille immatriculée à Singapour, un jet privé, logé en Belgique, une villa à Saint-Tropez, détenue depuis le Luxembourg, un domaine à l'est de Paris via un titre de propriété britannique. Rien de bien franco-français, si ce n'est la réutilisation de ses 45 millions d'euros de préjudice moral, placés à la banque Lazard, ayant servi à acquérir divers biens immobiliers en région parisienne (notamment à Neuilly) au nom de ses enfants.

Bling-bling. Pour ses besoins personnels, Bernard Tapie se contente d'un salaire mensuel de 30 000 euros versé par son holding GBT, dont l'instance juridique supérieure a, depuis, émigré à Bruxelles. La saisie pénale vise essentiellement ses comptes bancaires, pas ses biens. L'homme d'affaires tient à relativiser le bling-bling de ses achats (yacht, jet, villa…) : «Contrairement à la légende, ils sont d'utilisation commerciale», loués à la belle saison. Au juge d'instruction Serge Tournaire, il lance comme un défi : «Je maintiens mes actifs en bon état avant que vous me les preniez tous. Je travaille pour vous !»

Parfois, Bernard Tapie paraît se perdre dans son propre labyrinthe, quand il est question de l'exfiltration à Singapour de son historique hôtel particulier de la rue des Saints-Pères à Paris : «Je tombe des nues !» Après un coup de fil à son avocat fiscaliste (en pleine audition en novembre 2013), il finit par concéder au juge Tournaire : «Mon exigence était qu'en fin de chaîne, quel que soit le slalom qu'il a pu inventer pour des raisons sûrement fiscales, je sois clairement identifié comme ayant droit.» Avant de plastronner quelques instants plus tard : «J'affirme que je n'ai jamais demandé, en matière fiscale, de faire le moindre schéma qui me fasse payer moins d'impôts.»

Hypothèque. L'animal dément toute utilisation de structure offshore, avec un argument bien à lui : «Elles sont détenues à 100% soit par moi soit par une de mes sociétés, c'est grâce à ça que vous avez pu saisir tous mes comptes.» L'essentiel de ses avoirs financiers bloqués, Bernard Tapie doit toutefois honorer ses promesses de renflouer la Provence et Corse Matin, à hauteur de 30 millions d'euros. Pour ce faire, il a déjà hypothéqué son hôtel particulier parisien et sa villa tropézienne, vendu son yacht et son jet. Insuffisant, d'autant qu'il a pris l'habitude de vivre et d'investir à crédit - peu de sorties en cash, l'essentiel de ses dépenses provenant d'emprunts gagés sur ses biens personnels (1).

Bon prince, le juge d'instruction a accepté de lever la saisie d'un compte monégasque, à hauteur de 10 millions. Mais est resté inflexible pour le reste. Au motif, repris à son compte par la chambre de l'instruction, d'un «gel et conservation des avoirs susceptibles d'éventuelles confiscations ultérieures».

(1) Tout en reprenant, avec son fils, une filiale du Crédit agricole spécialisée dans le rachat de créances de personnes surendettées.