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Libération
à la barre

Procès du Carlton : un an de prison ferme requis contre «Dodo la Saumure»

Affaire du Carlton, le procèsdossier
Le parquet a estimé que le rôle du proxénète était central dans l'organisation des parties fines qui ont valu à DSK de comparaître.
Dominique Alderweireld, alias «Dodo la Saumure» à Lille le 17 février. (Photo Denis Charlet. AFP)
publié le 17 février 2015 à 13h16

Un an ferme pour le proxénète belge Dominique Alderweireld, des peines allant de 15 mois avec sursis à 1 500 euros d’amende pour sept autres prévenus: mardi matin, le procureur de la République de Lille, Frédéric Fèvre, et la substitut du procureur, Aline Clérot, ont réclamé des sanctions relativement clémentes à l’égard des personnes poursuivies dans la «première moitié» du dossier du Carlton. L’audience doit se poursuivre à partir de 14 heures avec les réquisitions concernant les sept autres prévenus dont, en dernier, Dominique Strauss-Kahn.

Frédéric Fèvre a démarré d'un ton solennel. «Ce n'est pas un réseau mafieux de proxénètes qui a été démantelé, mais les pratiques d'un groupe d'amis qui faisaient la fête pour satisfaire leurs ego leurs ambitions voire des besoins physiques.» La phrase résume la philosophie de ce réquisitoire partagé avec Aline Clérot. Proxénètes, oui, mais pas de la pire espèce, à part peut-être pour Dodo la Saumure et sa compagne Béatrice Legrain. «Deux prévenus ont fait de la prostitution leur fond de commerce en Belgique en l'assumant très bien, détaille le procureur. Mais pour les autres, il n'y a pas de profit. Ce sont de multiples petits arrangements entre amis.»

Les représentants du parquet ont construit le début de leur réquisitoire en forme de balancier. «Je ne sous-estime pas ce qu'on a appelé pour les prévenus les dégâts collatéraux, dit ainsi Frédéric Fèvre. Mais ce qui m'a frappé c'est l'absence totale de considération pour les femmes qui sont ravalées au rang d'objets de plaisir.» Il poursuit: «Certaines femmes ont beaucoup souffert. Je dois reconnaître aussi la souffrance des prévenus: certains ont tout perdu.»

Ainsi le préambule donne le ton de ce qui va suivre. En rappelant les «vies brisées» des personnes poursuivies, en recadrant leurs infractions au bas de l'échelle des délits de proxénétisme, il annonce le reste. Et peut-être prépare le terrain, comme le pensent beaucoup, pour une demande de relaxe de Dominique Strauss-Kahn en point d'orgue.

Pour René Kojfer, ex-chargé des relations publiques à l'hôtel Carlton, le procureur liste le nom de toutes les jeunes femmes à qui ce «sergent recruteur de la prostitution lilloise» a présenté des clients. Rappelle les «relations sexuelles gratuites» qu'il leur réclamait en échange, et les commissions qu'il percevait sur les chambres ainsi louées. Il demande à son encontre 15 mois de prison avec sursis et 2 500 euros d'amende.

Pour Francis Henrion, l'ancien gérant du Carlton, et Hervé Franchois, le propriétaire, la substitut du procureur décrit un rôle de «proxénètes hôteliers», encourageant René Kojfer à louer des chambres à des prostituées, participant avec lui à des rencontres sexuelles collectives. Elle réclame contre chacun d'eux 8 mois de prison avec sursis et 10000 euros d'amende.

Frédéric Fèvre reprend la parole pour évoquer le proxénète Belge Dominique Alderweireld, alias Dodo la Saumure. «Il fanfaronne, il tonitrue, il compare les femmes qui travaillent pour lui à du "cheptel" ayant pour certaines "un QI de 25", s'insurge le procureur. Dominique Alderweireld c'est un madré, un malin, qui sait utiliser toutes les ressources pour faire fructifier ses activités.» Il rappelle la condamnation à cinq ans de prison déjà prononcée contre lui en Belgique pour proxénétisme, et affirme qu'il est bien à l'origine de l'envoi de prostituées de ses bordels en France, au Carlton ou dans les parties fines où se trouvait DSK. Il demande, contre lui, deux ans de prison dont un an ferme, et 10 000 euros d'amende. Contre sa compagne Béatrice Legrain, «coacheuse» de prostituées, les accompagnant en France, il réclame 3 mois de prison avec sursis et 5000 euros d'amende.

Contre un couple de prévenus, Antoine T. et Anne-Sophie V., à peine évoqués lors des débats du fait de leur rôle mineur, le procureur demande 1 500 euros d'amende chacun. L'infraction de proxénétisme est constituée, dit-il, puisqu'ils ont bien emmené en voyage une prostituée pour qu'elle ait des relations sexuelles avec l'un de leurs amis. Mais le procureur leur voit comme circonstance atténuante «l'aveuglement de l'amour et de la jeunesse».

Est abordé en dernier le cas de l'avocat Emmanuel Riglaire. Là aussi, le procureur justifie une certaine mansuétude par les conséquences médiatiques de la procédure du Carlton: «Il était pénaliste talentueux, les ailes du destin se sont brisées pour lui et il l'a payé au prix fort.» Emmanuel Riglaire est renvoyé pour avoir, à trois reprises, adressé sa maîtresse M. à des clients ou souteneurs, la replongeant dans une prostitution qu'elle avait quittée. Pour les deux premières fois, avec René Kojfer et avec le marchand de chaussure Patrick W., le procureur estime qu'il y a «un doute» malgré leurs témoignages et celui de M. Pour la troisième fois, avec David Roquet, une somme d'argent ayant même été mentionnée par Emmanuel Riglaire, le procureur ne peut cette fois invoquer l'ambiguïté. Il demande trois mois avec sursis et 5 000 euros d'amende.