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Libération

Au Royaume-Uni et en Israël, algorithmes scolaires

Outre-Manche, un programme obligatoire a été lancé. Dans l’Etat hébreu, les inégalités restent très fortes.
publié le 22 février 2015 à 19h56

Comment enseigne-t-on le numérique à l’école à l’étranger ? Exemples outre-Manche et en Israël.

Au Royaume-Uni

La révolution au Royaume-Uni date de septembre 2014. Depuis lors, un nouveau programme d’enseignement obligatoire de l’informatique est entré en vigueur dans toutes les écoles, de la première à la dernière année de la scolarité. Au pays de sir Tim Berners-Lee, un des inventeurs du Web, l’introduction de ce nouveau curriculum est née d’un constat simple : le Royaume-Uni ne génère pas assez de spécialistes à même de répondre aux attentes des emplois du futur.

En 2010, déjà, Ian Livingstone et Alex Hope, deux industriels du jeu vidéo et des effets spéciaux, avaient tiré la sonnette d'alarme dans un rapport intitulé «Next Gen» (pour Next Generation). Avant eux, en 2006, quatre universitaires de Cambridge avaient conçu une première version de Raspberry Pi, un nano-ordinateur d'apprentissage très peu cher, dont l'objectif affiché était de lutter contre les faiblesses de l'enseignement de l'informatique auprès des enfants.

Depuis le 1er septembre, les petits Britanniques doivent «comprendre et appliquer les principes fondamentaux et les concepts de l'informatique». En janvier 2014, le ministre de l'Education nationale de l'époque, Michael Gove, avait ainsi expliqué les changements : «L'enseignement de l'informatique avait tendance à se focaliser purement sur le maniement informatique. […] Notre nouveau curriculum apprend aux enfants la science informatique, les technologies de l'information et le langage numérique : leur apprendre à coder, et comment créer leurs propres logiciels», au-delà de l'utilisation des outils.

Dès l'âge de 5 ans, l'enfant apprend à travailler avec des algorithmes, à créer des logiciels simples et à utiliser des instruments pour «organiser, ranger, manipuler et récupérer des contenus numériques». Au fil des années, la programmation devient plus complexe. A l'entrée du secondaire, l'élève est censé maîtriser au moins deux langages de programmation. Parallèlement, les jeunes sont initiés à l'algèbre de Boole, utilisé dans la conception des circuits électroniques.

Un rapport parlementaire sur les «qualifications numériques» a été publié le 17 février. S'il se félicite de l'introduction de ce nouveau curriculum, il appelle à des actions urgentes pour former les enseignants : le nombre d'instituteurs ou de professeurs vraiment qualifiés pour enseigner l'informatique reste en effet largement insuffisant.

En Israël

Israël, pays de la high-tech à l’école ? Oui mais pas partout. Certes, en 2014, Vincent Peillon, alors ministre de l’Education, s’était rendu à Bat Yam (banlieue de Tel-Aviv) pour y étudier comment le tableau numérique interactif (TNI) est utilisé par les enseignants, mais dans l’ensemble, la situation de l’informatique scolaire dans l’Etat hébreu n’est pas aussi rose. Selon un rapport de l’OCDE datant de 2011, 60% à peine des écoliers israéliens ont accès à un ordinateur et à une connexion web dans leur établissement. Le même niveau que le Chili, l’Estonie ou la Turquie.

Il existe plusieurs réseaux d'enseignement : le public juif et arabe (mamlachti), le public religieux juif (mamalachti dati) et l'ultra-orthodoxe indépendant mais reconnu par l'Etat (moukar). S'y ajoutent des écoles privées, développant une philosophie alternative, bénéficiant de l'agrément de l'Etat et financées par des parents disposant de moyens importants. C'est dans les réseaux public et public religieux juif, ainsi que dans les écoles privées que l'on trouve le plus d'équipements informatiques, les établissements ultra-orthodoxes étant complètement largués.

Si les programmes d’enseignement destinés aux deux principales filières sont établis par le ministère de l’Education, la construction et le développement des écoles sont du ressort des municipalités. Ce qui explique pourquoi les écoles de Kfar Shmaryahou, la commune israélienne la plus riche, sont particulièrement bien pourvues en matériel informatique, alors que les établissements des villes arabes et bédouines rament pour trouver des ordinateurs de seconde main. Pourtant, en 1993, le gouvernement Rabin avait lancé un ambitieux programme baptisé «Un ordinateur pour dix élèves dans tout le pays» : vingt-deux ans plus tard, on en est encore loin.

En 2014, dans le cadre d’une autre enquête diligentée par l’OCDE, 27% des enseignants se sont plaints du manque d’ordinateurs et 50% de l’accès à Internet trop limité. On trouve malgré tout de nombreuses classes dotées d’un TNI. Quant à l’usage de la tablette pendant les cours, il est devenu banal. Pour autant que les parents en aient les moyens, puisque l’achat de ce matériel et des logiciels est à leur charge. Certains n’hésitent d’ailleurs pas à recruter un ou plusieurs enseignants chargés de dispenser à leurs enfants, en plus de celle assurée par l’école, une formation informatique de pointe.