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Libération
Interview

Jean-Philippe Solanet-Moulin : «Sans projet pédagogique, ça ne prendra pas»

Jean-Philippe Solanet-Moulin, prof en CM2 dans un établissement privé sous contrat à Beauvais.
publié le 22 février 2015 à 19h46

«Dans ma classe, les élèves codent depuis un bout de temps déjà. Je crois que j’en suis à ma sixième année, peut-être même sept. L’idée, ce n’est pas de leur apprendre à coder pour savoir coder. Non, il faut le voir comme un outil de création. C’est vraiment ça : programmer permet de créer.

«J'utilise un logiciel conçu pour les enfants, ça s'appelle Scratch [lire page 3], c'est vraiment bien. Très simple d'utilisation, avec des petites briques de couleur permettant de construire des algorithmes et de comprendre le raisonnement. «Si telle condition est respectée, alors…» Un peu comme aux échecs, vous voyez ? Par exemple, pour déplacer le petit chat de haut en bas, quelles briques me faut-il utiliser ? Les élèves apprennent à résoudre des problèmes, ils sont obligés aussi de maîtriser l'axe des ordonnés, déplacer x et y. Très utile donc en maths, mais pas seulement. L'autre jour, j'ai fait une leçon de français sur le sens propre et le sens figuré. Je leur ai ensuite demandé d'animer l'image d'un personnage «sautant un repas». Dans ma classe, les élèves codent tout au long de l'année deux fois par semaine. Ils sont tous à fond, c'est super stimulant pour eux. Je me dis que je les prépare aussi à devenir des citoyens. L'avenir appartiendra à ceux qui sauront coder, j'en suis convaincu.

«L’Education nationale y viendra, c’est une évidence. Mais je ne pense pas qu’il faille généraliser et rendre obligatoire les cours de programmation au collège et lycée. C’est encore trop tôt. Peu de profs sont formés, il faut du temps. Le risque en allant trop vite, c’est de reléguer la programmation aux profs d’informatique et de perdre tout le potentiel de création. Si c’est pour coder sans projet pédagogique derrière, ça ne prendra pas.

«A mon avis, il faut laisser faire, je suis sûr que les enseignants s’y mettront d’eux-mêmes, petit à petit. Dès que les outils vont se démocratiser (et avec Twitter, ça va vite), les confrères vont capter le fort potentiel pédagogique du code. Et l’utiliser dans leurs classes.»