L'Etat, le ministère de l'Intérieur et le parquet sont droits dans leurs bottes et d'accord entre eux. Devant la première chambre de la cour d'appel de Paris, qui examinait ce mercredi la plainte de treize hommes s'estimant victimes de contrôles de police discriminatoires, ils sont restés imperturbables. Sur le banc de la défense, l'avocate de l'Etat et du ministère de l'Intérieur et sur celui du ministère public, l'avocate générale, s'accordent sur le constat : «Oui, il y a des contrôles au faciès en France. C'est déplorable et condamnable. Mais ce n'est pas notre problème», dit la première. «Qu'il y ait une question sur les contrôles d'identité, nul ne peut le nier. Que les personnes qui subissent ces contrôles le vivent mal, on peut le comprendre. Mais le ministère public se doit de recentrer le débat», ajoute la seconde.
Les deux parties s'accordent aussi pour dire ce qu'elles pensent de la présence dans la salle de l'avocat du défenseur des droits, Jacques Toubon. «Une posture médiatique», s'agace la première, qui prévient déjà qu'elle ne lui répondra pas. «Ce n'est pas devant cette tribune mais devant le Parlement qu'il devrait intervenir», balaye la seconde. En début d'audience, le président de la cour s'était aussi inquiété de la présence de l'intrus, lui intimant de bien vouloir justifier les textes autorisant le défenseur des droits à venir présenter ses observations devant une cour de justice. Le dossier est sensible, la salle pleine, et la justice tendue pour ce second procès de ce que les policiers appellent «les contrôles de routine» et les contrôlés des «contrôles au faciès».
Déboutés par le juge en première instance, les plaignants espéraient beaucoup de l'intervention du défenseur des droits. Celle-ci fut argumentée, méthodique et assez implacable. Portée, surtout, par une mise en garde à la cour d'appel de Paris sur le risque de condamnation européenne si elle ne prenait pas la mesure du problème discriminatoire dans ces contrôles. Et des obligations de l'autorité policière en la matière. L'avocate du ministère de l'Intérieur estime, elle, que cette obligation ne concerne que le monde du travail, et que les seuls éléments de discrimination sont «le ressenti» des contrôlés, que les études statistiques et les rapports sur les contrôles discriminatoires ne sont pas recevables. L'avocate générale, pour le ministère public, dira à peu près la même chose. Le jugement a été mis en délibéré au 24 juin. Décision importante pour le monde associatif qui, faute d'avoir eu l'oreille du gouvernement sur ce problème, compte désormais sur la justice pour faire avancer le droit.