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Libération
EDITORIAL

Modernité

publié le 25 février 2015 à 21h16

Le Net n’aime pas les règlements : c’est sa nature. La plupart des immenses progrès qu’il a permis d’accomplir n’auraient pas eu lieu s’il avait fallu au préalable demander la bénédiction des administrations et l’onction des codes de loi. Mais ce sympathique désordre a son revers : entre la posture libertaire et l’ultralibéralisme, il n’y a qu’un pas. Le cas d’Airbnb en est l’illustration parfaite. Ce site de partage semi-hôtelier a ouvert aux touristes du monde entier d’innombrables possibilités d’hébergement à moindre prix dans les plus belles villes de la planète. Joli progrès. Mais très vite, l’indifférence à l’égard des règlements a transformé le partage des appartements en business lucratif. Préférant ces locations courtes et rentables, les propriétaires ont gelé une partie du parc locatif dans des villes marquées par la pénurie ; ils ont fini par imposer aux hôtels qui respectent les lois une concurrence déloyale. Arrive donc le temps de la régulation, dont New York s’est fait le laboratoire. Les esprits inconséquents s’alarmeront de voir la puissance publique s’ingérer dans le monde merveilleux des réseaux en liberté. Ils placeront ces interventions étatiques sur l’échelle de la modernité : ceux qui demandent l’application des lois seront taxés d’archaïques grincheux, les adversaires de la réglementation d’entrepreneurs branchés qui chevauchent un avenir technologique et radieux. C’est oublier que tout l’effort de la gauche depuis deux siècles a justement consisté à réguler l’économie de marché pour humaniser le capitalisme sauvage.