Le 36, quai des Orfèvres a un nouveau taulier. Christian Sainte, 55 ans, vient d’être officiellement nommé à la tête de la PJ parisienne, jeudi. Il remplace Bernard Petit, mis en examen pour des soupçons de fuites dans une affaire de corruption et brusquement limogé le 5 février par le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve.
Cette succession se fait dans un climat particulièrement tendu. Christian Sainte arrive dans une institution ébranlée par deux scandales retentissants ces derniers mois : le viol présumé d’une touriste canadienne dans les locaux de la Brigade de recherches et d’intervention (BRI), et le vol de 52 kilos de cocaïne dans la salle des scellés de la brigade des stups, jamais retrouvés depuis.
La tâche est donc immense pour le nouveau patron, qui va devoir redorer le blason du «36» tout en gagnant la confiance de ses hommes, lui qui n'est pas issu de la boutique. «Sa promotion est parfaitement naturelle, mais c'est aussi un pied de nez, souligne David-Olivier Reverdy, secrétaire régional Paca du syndicat Alliance. Pendant longtemps, la PJ parisienne était la chasse gardée du sérail. Cela ne fait que quelques années que des flics de province y entrent. Il va se heurter à une certaine caste mais il a les épaules pour résister.»
Défiance. Pour beaucoup, le choix d'une nouvelle candidature extérieure au «36», après celle de Bernard Petit, traduit une défiance politique envers la PJ parisienne, de plus en plus décriée. Comme son prédécesseur, Christian Sainte est un pur produit de la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ). Depuis sa sortie de l'école de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or, en 1986, il y a fait toute sa carrière, avec une prédilection pour le pourtour méditerranéen. Successivement patron de la brigade criminelle de Marseille, chef de l'antenne départementale de la PJ à Ajaccio, puis numéro 2 de la Direction interrégional de la PJ marseillaise, ce flic de terrain jouit d'une très bonne réputation. Ceux qui l'ont côtoyé louent sa rigueur, sa parfaite connaissance des dossiers, son écoute. Son côté incorruptible, aussi, qualité appréciable par les temps qui courent. «Lors de l'affaire de la BAC de Marseille, il a eu à statuer sur des mesures disciplinaires et a su gérer ça parfaitement, se souvient Diego Martinez, secrétaire départemental Unité SGP-FO des Bouches-du-Rhône. C'est un avantage vu les problèmes actuels de la PJ parisienne.»
Spirale. Spécialiste du grand banditisme et du terrorisme, Christian Sainte a également dirigé la Sous-direction antiterroriste (SDAT), avant de revenir à Marseille, en septembre 2012, où il est nommé par Manuel Valls pour enrayer la spirale de violence et de règlements de comptes qui ensanglante alors la cité phocéenne. «Dans le milieu policier, il est un des rares à avoir intégré la dimension du renseignement opérationnel, témoigne un ponte du ministère de l'Intérieur. Il ne cherche pas à faire des coups et sait parfaitement gérer le temps des enquêtes.»
Il est notamment à l’origine de l’implantation à Marseille d’une antenne régionale du Sirasco (Service d’information de renseignement et d’analyse stratégique sur la criminalité organisée), un service de renseignement criminel au sein de la PJ. Deux ans plus tard, au moment de quitter la tête de l’«Evêché», l’hôtel de police de Marseille, Christian Sainte affiche un bilan assez flatteur. Mi-janvier, le procureur de la ville a annoncé, pour la deuxième année consécutive, une baisse de la délinquance en 2014 à Marseille, où les faits constatés ont chuté de 4% après des années de dérive.
A Paris, Sainte va désormais devoir affronter les dossiers les plus sensibles. Mais surtout régler la crise d’identité du «36», pris en étau entre ses crises internes et la concurrence directe de ses brigades avec les offices centraux de la DCPJ. A long terme, la coexistence de deux gros services de PJ dans la capitale apparaît en effet de plus en plus fragile.