Salut Florence, on peut dire que tu nous as fascinés, exaltés, impressionnés, séduits, amusés. Tu laisses derrière toi un sillage somptueux, celui d’une aventurière des mers, d’une coureuse d’absolu et d’une fêtarde solaire.
D’abord, tu as été un marin d’exception. Je pourrais dire une navigatrice d’exception mais j’entends marin au sens générique, sans distinction de sexe. La course au large est un univers bizarre qui permet aux hommes et aux femmes de s’affronter à l’océan et à la solitude sans qu’on leur demande s’ils portent barbe ou couettes.
Tu as été la première femme à remporter une transat d’importance. Tu as gagné cette route du Rhum 1990 à la régulière et à l’ancienne. Les trimarans avaient alors tous la même taille et tu n’avais pas l’avantage d’un engin particulier. Mieux, tu l’as emporté alors que tous tes moyens de communication étaient tombés en panne. Dans le silence, tu t’es mise en symbiose avec cet univers où tu rayonnais. Tu as réactivé tes connexions avec cette nature violente qui était à ta mesure et qui te faisait oublier les petitesses d’une vie terrestre toujours en retrait sur ton goût de l’excès, sur ton besoin de folies diverses et variées. Tu l’as joué à la Tabarly qui, lui aussi, avait glané ses plus belles victoires sans un mot, sans une liaison satellite, en se débrouillant pour faire du petit bois de sa radio.
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Tu as été un personnage qui a aimanté l’attention. Tu portais blouson de cuir noir sur minijupe. Tu avais la gouaille parigote d’une enfant des beaux quartiers virée louloute des pontons après avoir vite arrêté ses études de médecine. Tu étais une rock star quand n’existent plus aujourd’hui que sportifs ascétiques et ingénieurs rigoureux. Et c’est ça qui faisait de toi une diva à l’aura éblouissante qui générait adulation et détestation, fidélités protectrices et vilenies abruties.
Petit à petit, la vague s'est retirée, le succès a connu les basses eaux. Le sponsoring s'est fait difficile, le temps n'était plus à choper l'armateur dans les boîtes de nuit comme cela avait pu t'arriver.
Tu élevais ta fille qui préférait l’équitation à la voile, tu avais monté une galerie à Marseille. Mais tu as continué à naviguer sur des bateaux plus petits, avec des budgets moins importants.
Au large de la Corse, il y a quelques années, tu es tombée à l’eau. Tu avais ton portable sur toi et, tandis que tu barbotais, tu as appelé… ta mère. Et tu as été récupérée.
Je me suis dit que tu étais indestructible, que rien de mauvais ne t’arriverait jamais tant que tu naviguerais. C’est des airs qu’est venue la mort que tu avais tant et tant bravé, dans un grand rire de défieuse heureuse.