Inspirée de la «Scrap House» de San Francisco, la «Villa déchets», à Nantes, avait été construite fin 2010 exclusivement à base de matériaux de récupération. Située à la base sur l'esplanade des anciens chantiers navals, cette maison de 70 m2 avait finalement atterri sur une parcelle vierge de la communauté urbaine, dans le nouvel «écoquartier» de la Bottière… Elle devait y rester trois ans, en vertu d'une convention signée avec Tabakero, l'association qui la gérait.
Pendant trois ans, un petit millier d'écoliers, de résidents de maisons de retraite ou d'étudiants en architecture ont donc visité cette «Villa déchets ». Frédéric Tabary, le «designer d'espaces et d'objets» à l'origine de sa construction, a même fait «des conférences un peu partout en France». Seulement voilà : en septembre, la fameuse convention est arrivée à échéance. «Renouvelable» selon l'intéressé, elle ne l'a pas été par Nantes Métropole : si le projet était soutenu par Jean-Marc Ayrault, il l'est nettement moins par Johanna Rolland, qui lui a succédé à la mairie et à la communauté urbaine.
«La villa a bien servi à Nantes à l'époque, mais maintenant on nous demande de dégager le plancher», s'agace Frédéric Tabary. Pour lui, la ville s'est surtout livrée à du «greenwashing», dans sa course au titre (obtenu) de «capitale verte européenne 2013». Cinq associations, «toutes en rapport avec l'aide sociale ou le recyclage», selon le président de Tabakero, auraient pourtant fait acte de candidature pour l'occuper. «J'étais prêt à la céder pour l'euro symbolique», s'exaspère ce Nantais de 46 ans.
La Villa déchets est ainsi vouée à la démolition, fixée au 17 avril. Mais c'était sans compter sur «Ndimbeul» («aider » en wolof, une langue d'Afrique de l'ouest), une petite association du quartier… dont les membres ont investi la maison inoccupée. Ces «squatteurs citoyens» veulent en faire leur «QG», mais aussi un lieu de «distribution de colis alimentaires pour les personnes démunies» qui vivent dans les barres voisines de «l'écoquartier», de l'autre côté de la ligne de tramway.
Sur la façade, une banderole «Aidez-nous à les aider» a été déployée, et Taylor Coulibaly, le président de l'association, promet «une pétition» ces prochains jours pour alerter le voisinage. «Pour moi, c'était inconcevable de la détruire ! On fera tout pour les en empêcher», explique ce Nantais de 36 ans d'origine sénégalaise. «Même si on l'appelle "villa"», ce n'est pas une maison ! répond Philippe Marest, directeur général adjoint en charge de l'environnement. C'est une œuvre d'art éphémère, qui n'a pas vocation à devenir une habitation ou un local professionnel.»