Figure du luxe français - il a présidé Cartier et créé en 1984 la Fondation Cartier pour l'art contemporain -, Alain-Dominique Perrin se lance en 2008 dans une aventure inédite : le camping. «ADP» jette alors son dévolu sur le brave camping municipal de La Guérinière (Vendée), sur l'île de Noirmoutier. Après avoir décroché la délégation de service public (DSP) de la commune, l'homme de 73 ans remplace les affreux mobile homes «qui ont défiguré notre côte sauvage» par de belles lodges en bois et en toile, certaines dotées d'un jacuzzi avec vue sur mer. Son «domaine des Moulins» se transforme assez vite en camping cinq étoiles. Et devient le vaisseau-amiral de Original Camping, la nouvelle signature d'ADP en matière de «glamping» - mélange de «glamour» et de «camping»…
Mais à La Guérinière, la mairie a été quelque peu effrayée par la brusque montée en gamme de son camping municipal… La légalité de l'implantation de certaines lodges lui semble aussi douteuse. Le 12 février, les élus ont donc voté la résiliation de la délégation de service public «aux torts exclusifs» du concessionnaire. Le sang de l'homme d'affaires et collectionneur d'art n'a fait qu'un tour : le 6 mars, la petite commune était assignée en référé devant le tribunal administratif de Nantes. «ADP» entendait obtenir la reprise des relations contractuelles au moins pour la saison touristique à venir. «Il a récupéré cet établissement en 2008 dans un état déplorable, alors qu'il était sur le point d'être fermé pour insalubrité, et il en a fait le plus beau camping de l'île, s'indigne une de ses avocates. Si la commune veut un camping deux ou trois étoiles, c'est son choix, mais elle doit en assumer les conséquences.» Et de réclamer 5 millions d'euros de manque à gagner, la délégation de service public courant jusqu'en 2022.
La source du conflit remonterait à décembre 2012, quand la société a voulu renégocier sa redevance : 25% de son chiffre d'affaires à la commune, là où ses concurrents n'en laissent, selon elle, qu'environ 9%. La mairie se repose, elle, sur un rapport du cabinet KPMG évoquant«la gestion extrêmement déficitaire du camping». «Que va-t-il advenir, dès lors, des redevances qu'on ne nous a pas payées ? La commune n'entend pas éponger un quelconque déficit», s'inquiète son avocat. Le juge des référés vient de lui donner raison, considérant que le recours parallèle de la société sur les redevances «fait obstacle à la reprise, fût-elle provisoire, des relations contractuelles». Le tribunal examinera le dossier sur le fond dans plusieurs mois.